Alors que le communiqué publié par la porte-parole du Rwanda est clair, parlant bien de violation de son « espace aérien », doit-on croire que Rwanda n’était pas au fait de la nuance entre frontières terrestres et espace aérien lorsqu’ils ont émis leur communiqué ?
Il pourrait être très tentant de croire qu’effectivement l’appareil militaire Sukhoï Su-25 des FARDC, en opération contre le M23 ce mardi, aurait, de facto, violé l’espace aérien rwandais en s’alignant pour sa phase finale d’atterrissage en piste 35 de l’aéroport international de Goma. Mais, rien n’est moins vrai ! Pour le comprendre, il faut pour cela prendre de la hauteur…
En effet, bien que l’axe final de la piste 35 de l’aéroport international de Goma (code OACI : FZNA) se trouve bel et bien au-dessus des frontières territoriales du Rwanda, cet espace reste sous la surveillance de la RDC, selon les conventions internationales.
En effet, en raison des obstacles géographiques, d’une part (terrain montagneux), et de l’importance du trafic aérien, de et vers l’aéroport de Goma, de l’autre, il a depuis longtemps été convenu que « Kinshasa FIR (FZZA) » administre l’espace aérien au-dessus du lac Kivu.

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Pour rappel, sur cette trajectoire, et à ces altitudes, l’espace aérien est bel et bien sous le contrôle de « Kinshasa FIR (FZZA), » comme l’attestent toutes les publications d’aide à la navigation disponible. Cela ne fait aucun débat !
Tout aéronef, donc, civil ou militaire, au décollage, ou en approche vers l’aéroport international de Goma, est réputé sous la surveillance des autorités de la République Démocratique du Congo, et répondent à elle !
Plus grave, les conclusions « GeoConfirmed », site spécialisé en fourniture de coordonnées géographiques de photos ou vidéos, n’indiquent pas seulement que le Su-25 respectait scrupuleusement le « SOP », une Procédure Standard Opérationnelle, et elles indiquent aussi que la distance séparant les point de visée/impact au seuil de piste n’est que de 2/3 Km ! A cette distance, un avion est en phase finale d’approche, configuré pour l’atterrissage. Il y a peu à parier qu’en cette posture, il représente une quelconque menace pour un œil aguerri, d’autant plus que le tir provienne d’un point fixe. Quand peut-on commencer à parler de crime de guerre… ?

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Il s’agit très clairement d’une question politique sur laquelle je ne m’avancerai que très prudemment, puisque quidam. Mais, justement, réfléchissons par l’absurde :
a) En l’absence de tels accords, comment expliquer l’existence, de longue date, d’une base aérienne des FARDC à Goma ?
b) A quel titre alors la MONUSCO et les Forces de l’EAC emploient-elles quotidiennement ces mêmes couloirs aériens ? Beaucoup ici pensent déjà que c’est par tourisme, faudrait-il craindre que ce soit effectivement le cas ?
c) Le Président lui-même n’a-t-il jamais atterri à Goma via ce corridor ?
De ce qui précède, je ne pense pas exagérer en avançant que le fait que le gouvernement rwandais, ou sa porte-parole, d’une part, ne comprennent pas le principe d’un espace aérien ; ou seraient amnésiques, de l’autre…
Important de ne pas confondre « espace aérien » avec le « FIR »
Un « espace aérien » désigne une zone, définie sur trois dimensions, dans laquelle tout appareil volant doit se soumettre à des règles ou procédures établies par l’Autorité de l’Aviation Civile compétente, ou fixées par l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI).
De la nécessité de séparer les appareils volants les uns des autres et de fournir les services requis aux aéronefs sur base de leur classification, est née une série de divisions, latérales et verticales, de l’espace aérien, du moins restrictif (non contrôlé), au plus restrictif.

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Cependant, il est important de ne pas confondre « espace aérien » avec « Région d’Information de Vol (FIR), » définie comme l’espace aérien sur lequel un état exerce sa souveraineté et domine sur son territoire et sa mer territoriale.
Bien que l’OACI reconnaisse la souveraineté des états sur leur FIR, la fourniture de services à la navigation aérienne suit plutôt des critères d’efficacité.
L’espace aérien d’un pays peut être divisé en une ou plusieurs FIR, de même qu’une FIR peut couvrir plusieurs pays.
Par conséquent, dans de nombreux cas, et à la suite d’accords internationaux, un état peut être attitré à fournir des services dans l’espace géographique d’un état voisin, sans que cela n’empiète de quelque manière sur la souveraineté nationale de cet état.
Prenant l’exemple de la République Démocratique du Congo, l’on peut voir que le Nord-Est de l’Angola est, au-delà d’une certaine altitude, sous la supervision de Kinshasa FIR (FZZA), afin, notamment, d’accommoder le trafic Kinshasa – Lubumbashi, plus abondant dans cette espace particulier.

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Dans la vidéo ci-bas, filmée depuis le cockpit d’un Airbus A320 de Congo Airways, en approche sur Goma, vous pouvez voir de vous-même la proximité avec le Rwanda lors de l’atterrissage… Vous y voyez respectivement :
1) à 0′ 2″, l’île d’Idjwi (RDC)
2) à 0′ 30″, l’île de Tcheguera (RDC)
3) Et enfin, à partir d’ 1′ 10″, tout ce que vous voyez, c’est le Rwanda
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