L’avocat de l’entrepreneur chinois mis en cause par la justice gabonaise dans une affaire de trafic de bois précieux interdit d’exploitation a affirmé lundi l’innocence de son client, dénonçant le fait qu’il ait été « jeté à la vindicte populaire » dans une procédure qu’il juge sans fondement.
Fin février et début mars, près de 5.000 mètres cube de kévazingo, une essence rare très prisée en Asie, d’une valeur d’environ 7 millions d’euros, avaient été découverts dans deux sites d’entreposage appartenant à des sociétés chinoises, au port d’Owendo, à Libreville.
Une partie du kévazingo était chargée dans des conteneurs sur lesquels figurait le tampon du ministère des Eaux et Forêts indiquant une cargaison d’okoumé, une essence de bois dont l’exploitation est autorisée.
Après la découverte de ces documents falsifiés, le responsable de ce ministère au port et son équipe avaient été arrêtés, soupçonnés d’implication dans ce trafic.
Mais le 30 avril, 353 de ces conteneurs, placés sous l’autorité de la justice, s’étaient mystérieusement volatilisés. Deux cents containers ont par la suite été retrouvés dans les entrepôts de deux entreprises différentes, toujours au port d’Owendo.
François Wu, un influent homme d’affaires chinois, conseiller juridique pour des entreprises chinoises désireuses d’investir dans le secteur forestier au Gabon, avait été désigné le 13 mai comme « la pièce maîtresse du réseau de trafiquants » par le procureur de Libreville, qui avait précisé qu’il était « activement recherché ».
« M. Wu n’a rien à se reprocher. Il n’était pas sur le territoire gabonais quand l’affaire a éclaté, il n’a jamais été convoqué par la justice. Mais il fallait absolument trouver un coupable dans ce dossier, alors il est présenté comme le cerveau d’un réseau », s’est emporté lors d’une conférence de presse à Libreville son avocat, Tony Serge Minko Mi Ddong.
« Comment pourrait-il regagner le Gabon, quand avant même d’avoir été jugé, il est déjà condamné, victime d’une instruction qui se fait à ciel ouvert et jeté à la vindicte populaire », a-t-il demandé, dénonçant une atteinte à la présomption d’innocence.
Depuis une semaine, la presse gabonaise fait ses choux gras de l’affaire, évoquant un « kévazingogate ».
Mais Me Minko a évoqué une « procédure mort-née ». « Je n’ai pas vu d’acte qui confirme que 353 containers ont été saisis. Il faut que l’infraction ait été constatée pour qu’elle existe. S’il n’y a pas de procès-verbal, il n’y a pas d’infraction ».
Le kévazingo est un bois rare d’Afrique centrale, considéré comme sacré par certaines communautés locales et très apprécié en Asie, notamment pour la réalisation de parquets, escaliers, meubles de luxe ou portails de temples.
« François Wu est connu depuis des années comme un exploitant illégal », a affirmé à l’AFP un membre d’une ONG spécialisée sur le sujet, qui a requis l’anonymat.
Plusieurs hauts cadres ont été suspendus de leurs fonctions, dont les directeurs de cabinet des ministères des Eaux et Forêt et de l’Economie.
« Le Premier ministre avait déclaré que son gouvernement serait exemplaire et que les membres de son gouvernement qui s’éloignerait de cette attitude seraient sanctionnés. Les membres du gouvernement qui seraient impliqués dans cette affaire sont invités à en tirer les conséquences qui s’imposent », avait assuré la semaine dernière la porte-parole du gouvernement, Nanette Longa-Makinda.
Une déclaration lourde de sous-entendus, qui avait amené des voix de la société civile à exiger la démission de plusieurs ministres, dont celui des Forêts et de l’Environnement, Guy Bertrand Mapangou.
« Ma conscience d’homme libre ne me reproche strictement rien dans l’exercice de mes fonctions », a répondu de dernier dans un communiqué, appelant la justice à « retrouver les vrais auteurs et commanditaires de ce vol et non des lampistes et des innocents que se sont trouvés au mauvais endroit au mauvais moment ».
La justice gabonaise a annoncé l’arrestation de deux ressortissants chinois, accusés d’avoir participé au trafic, avec la complicité de fonctionnaires gabonais.
Représentant 60% du PIB (hors hydrocarbures), le secteur forestier est l’un des piliers historiques de l’économie du Gabon, un pays recouvert à près de 80% par la forêt.
Fin mars, le rapport d’une ONG britannique avait dénoncé les pratiques illégales d’un groupe chinois à l’origine d’un vaste trafic d’exploitation de bois au Gabon et au Congo, accusant notamment plusieurs personnalités politiques et agents de l’administration d’y être impliqués.
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