Le dépôt des candidatures à l’élection présidentielle 2023 clôturé le dimanche 8 octobre, les polémiques demeurent quant à la fiabilité et la qualité du processus électoral et ainsi que la date de la tenue du scrutin. Cependant, pour la première fois de son histoire, il semble que l’élection puisse se jouer non pas uniquement sur des critères personnels, mais aussi sur des projets politiques, qui désormais s’exposent et s’affrontent publiquement. Focus.
Le premier mandat du Président Felix Tshisekedi n’a pas fait taire les doutes quant à la nature de l’alternance politique survenue en 2018, loin s’en faut. Martin Fayulu en particulier, opposant malheureux, n’a jamais admis sa défaite et a passé ces cinq dernières années à se présenter comme « le Président légitime ».
A l’aube d’une nouvelle campagne électorale en RDC, les attaques sur cette alternance se multiplient, essentiellement menées par des proches de l’ancien Président Kabila: Corneille Nangaa, ancien Président de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) qui a par ailleurs avalisé la victoire de Felix Tshisekedi en 2018, et le Général John Numbi, sécurocrate au passé compliqué et à l’avenir incertain, fugitif recherché par son pays.
Félix Tshisekedi semble ne pas s’en soucier. Il trace sa ligne de campagne, candidat à sa propre réélection, en s’appuyant d’une part sur son bilan, et en distribuant quelques piques à ses adversaires, notamment en accusant le Docteur Denis Mukwege «d’être un candidat de l’étranger». Il dispose également d’un atout immense : une maîtrise certaine des hommes et des processus électoraux grâce à ses prises de contrôle des compositions de la Cour Constitutionnelle et de la CENI.
De son côté, l’opposition avance en ordre dispersé, entretenant ainsi la machine à perdre et la désespérance d’une partie de la population qui, consciente de la nature du scrutin (uninominal à un tour), sait que seule une coalition pourrait empêcher le pouvoir de revendiquer la victoire.
Qui sont-ils ?
Moïse Katumbi populaire, ancien gouverneur de la riche province du Katanga et ex-Président du Tout-Puissant Mazembe, qui a louvoyé du côté de Kabila, puis de Tshisekedi, avant de céder à nouveau à son ambition personnelle.
Matata Ponyo, ancien Premier Ministre de Kabila réputé bon gestionnaire, mais empêtré dans des affaires judiciaires du parc agro-industriel de Bukanga-Lonzo et de la Cité Moderne de Kinshasa, où seuls les décaissements ont été réalisés.
Delly Sesanga, député d’opposition intelligent, structuré et rigoureux, au déficit de notoriété handicapant.
Denis Mukwege, Prix Nobel, docteur, incarnant un renouveau et l’accès de la Société civile au pouvoir, totalement inexpérimenté.
Martin Fayulu qui n’a jamais su capitaliser sur 2018, perdu dans des sorties hasardeuses et dont les récentes interventions et atermoiements jettent un trouble sur son véritable rôle dans cette élection. Une kyrielle d’autres candidats enfin, dont seule la campagne dira quelles étaient leurs véritables intentions.
Elections 2023 et innovations en RDC
Mais malgré ce panorama, pour les observateurs avertis et la population congolaise, un vent nouveau semble se lever sur cette élection. En effet, pour la première fois, des projets politiques globaux ont été présentés aux électeurs, ouvrant la porte à des débats de fond sur l’ambition collective du pays. Le Président lui-même ne s’y est pas trompé. Il sait que la puissance de son nom, de son parti et de ses alliés de circonstance ne suffiront pas à lui assurer une réélection qu’il désire tant. Il a donc commencé à multiplier les annonces électoralistes (comme par exemple la gratuité de la maternité) ainsi qu’à marteler les quelques éléments de son bilan significatifs pour les Congolais : la gratuité de l’école et le programme de construction de 145 territoires (par ailleurs dans les deux cas financés principalement par les bailleurs internationaux et non l’Etat).
L’opposition quant à elle a ouvert la voie. Matata Ponyo a transmis un long programme, certes essentiellement axé sur les problématiques macroéconomiques. Delly Sesanga a de son côté présenté devant un large public sa vision de la « Refondation du Congo » qu’il appelle de ses vœux. Un programme jugé par les observateurs comme global, complet et réaliste, prenant en compte tous les enjeux auxquels sont confrontés la société congolaise et le pays. Il faut espérer pour la RDC que d’autres suivent.
Denis Mukwege a commencé à le faire, Moïse Katumbi, assisté d’Olivier Kamitatu s’y attellera probablement également. Martin Fayulu, s’il parvient à sortir de son égocentrisme et à clarifier sa position, pourrait lui aussi devenir force de proposition.
Cela n’effacera pas bien sûr les doutes sur le processus électoral. Cela n’effacera pas non plus les vieux réflexes qui ont conduit les électeurs à voter contre des candidats plutôt qu’en faveur d’un projet, y compris pour des raisons de proximité régionale et culturelle. Cependant, ce pays, la « gâchette de l’Afrique», mérite un véritable débat de fond entre les aspirants Président. Les maux sont connus et le temps est compté. La marche du monde n’attend pas les retardataires. L’impulsion donnée par Matata et Sesanga crée la bonne dynamique. Dès lors, tout est envisageable. De là à imaginer un débat public entre les candidats qui déterminerait la candidature commune à l’élection ?
Afriquinfos / Provinces26rdc.com
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