Pour l’Égypte, accueillir des Gazaouis «rendra impossible l’établissement d’un État de Palestine»

Abdel Fattah al-Sissi a mis en garde mercredi 18 octobre contre un exode massif de Palestiniens de Gaza vers l’Égypte. Le président égyptien y voit le risque d’ « un déplacement similaire de la Cisjordanie vers la Jordanie » et « la fin de la cause palestinienne ».

Lors de la réception du chancelier allemand Olaf Scholz au Caire ce mercredi 18 octobre, Abdel Fattah al-Sissi a tenu son discours le plus complet et le plus virulent depuis le début de la guerre en cours entre Israël et le Hamas. Le conflit a déjà fait des milliers de morts des deux côtés et un million de déplacés dans le petit territoire palestinien, pilonné par Israël depuis 12 jours. Une majorité d’entre eux s’est réfugiée dans le sud, à la frontière près de l’Égypte.

Sauf que pour le président égyptien, pousser les Palestiniens à quitter leur terre est « une façon d’en finir avec la cause palestinienne aux dépens des pays voisins ».

« L’idée de forcer les Gazaouis à se déplacer vers l’Égypte mènera à un déplacement similaire des Palestiniens de Cisjordanie », territoire occupé par Israël. « Et cela rendra impossible l’établissement d’un État de Palestine, a-t-il poursuivi. Si je demande au peuple égyptien de sortir dans les rues, ils seront des millions pour soutenir la position de l’Égypte », a-t-il encore prévenu, évoquant également « l’opinion arabe » et « l’opinion musulmane » sensibles à « la cause palestinienne qui est la plus grande des causes ».

Peu de temps après cette déclaration, des milliers d’Égyptiens sont descendus dans différentes villes du plus peuplé des pays arabes en solidarité avec la bande de Gaza, pilonnée depuis 12 jours par Israël, selon des images diffusées par des médias locaux et sur les réseaux sociaux dans un pays où manifester est illégal.

Alors que le monde réclame l’ouverture du terminal de Rafah entre l’Égypte et Gaza, M. Sissi a redit que son pays n’avait « pas fermé le terminal de Rafah » et n’entrait pas dans le territoire palestinien du fait « des bombardements israéliens ». Depuis des jours, des centaines de camions sont bloqués dans le désert égyptien du Sinaï, faute d’un passage pour les quelque 2,4 millions de Gazaouis, alors que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) affirme désormais qu’à « chaque seconde où nous attendons l’aide médicale, nous perdons des vies ».

M. Scholz a appelé à éviter une « conflagration au Moyen-Orient », exhortant l’Iran et son allié libanais, le Hezbollah, à s’abstenir de « toute intervention ». M. Sissi veut, lui, préfèrerait « intervention internationale immédiate » pour arrêter l’escalade militaire.

Alors que le monde réclame l’ouverture du terminal de Rafah entre l’Égypte et Gaza, M. Sissi a redit que son pays ne l’avait pas fermé. L’aide est bloquée par « les bombardements israéliens », a-t-il dit. Son chef de la diplomatie, Sameh Choukri, a assuré mardi à la chaîne américaine CNN que quatre frappes israéliennes en une semaine avaient blessé « quatre employés égyptiens qui participaient à des réparations ».

Depuis des jours, des centaines de camions sont bloqués dans le désert égyptien du Sinaï alors que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) « affirme désormais qu’à chaque seconde où nous attendons l’aide médicale, nous perdons des vies » parmi les 2,4 millions de Gazaouis.

L’Égypte est face à un dilemme : laisser sortir les Palestiniens avec le risque qu’Israël interdise tout retour ou fermer leur unique ouverture sur le monde non tenue par Israël et les laisser sous les frappes incessantes. Le Caire accepte de « recevoir les Gazaouis les plus vulnérables, ceux qui ont besoin de soins », comme c’était le cas jusqu’avant la guerre, « mais on ne transférera pas la responsabilité d’Israël à l’Égypte », a grondé le président Sissi.

 

À la question de créer de nouveaux réfugiés palestiniens – 760 000 ont fui ou ont été expulsés lors de la création d’Israël en 1948 -, s’ajoute pour l’Égypte la question sécuritaire.

« En déplaçant les Palestiniens dans le Sinaï, on déplace la résistance et le combat en Égypte », a dit M. Sissi. Et si des attaques des groupes armés palestiniens sont lancées depuis l’Égypte, « Israël aura alors le droit de se défendre […] et frappera le sol égyptien », a-t-il prévenu.

Alors, la paix signée entre Israël et l’Égypte en 1979 – faisant du Caire le premier pays arabe à reconnaître Israël et donc l’un des plus grands bénéficiaires de l’aide militaire américaine – « va fondre entre nos mains ».

Récemment, un ex-responsable israélien avait appelé l’Égypte à « jouer le jeu », en montant des camps de tentes « temporaires », pour les Palestiniens dans « l’espace presque infini », du Sinaï. « Si l’idée, c’est le déplacement forcé, il y a le Negev », un désert du sud d’Israël, a rétorqué mercredi M. Sissi.

 


RFI / Provinces26rdc.com

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