
Ce dimanche 7 avril, à trois jours de l’élection des Gouverneurs, se tenait à Bukavu un débat public citoyen entre candidats gouverneurs et représentants de la population et de la société civile organisé par le bureau de coordination de la société civile du Sud-Kivu. Ce débat avait pour thème « Comment améliorer la gouvernance en province en vue du développement socio-économique du Sud-Kivu ? » et pas loin de 300 personnes étaient présentes (dont nombre de députés provinciaux) pour venir écouter les candidats gouverneurs.
Étaient présents cinq des 6 candidats gouverneurs à savoir M. Théo Nwabidje Kasi (candidat du FCC/CACH), M. Justin Bitakwira du parti ARCN (mouvance FCC), M. Telexy Rubuye (candidat indépendant), M. Jean-Claude Kibala (candidat MS/Lamuka) et Mme Shenila Mwanza (candidate indépendante mais issue de la mouvance FCC). Le candidat indépendant M. Kalonda Mbulu était absent.
Dans son mot introductif, le Président du Bureau de coordination de la société civile du Sud-Kivu, Me Patient Bashombe, a exhorté les candidats à faire mieux que les gouverneurs précédents, à lutter contre la corruption et à sauvegarder l’unité de la province, menacée par des volontés sécessionnistes avec la création de la province d’Elila qui regrouperait les territoires de Shabunda, Mwenga, Uvira et Fizi.
Le premier candidat à prendre la parole, M. Théo Ngwabidje Kasi a déclaré partager le diagnostic du Président de la société civile su Sud-Kivu et a promis de lutter contre les anti-valeurs notamment la corruption. Comme habitant de Bukavu, il connaît bien les problèmes (pénurie d’eau, manque d’électricité, insécurité…) et promet de restaurer l’autorité de l’État et de privilégier des partenariats publics-privés avec des opérateurs économiques locaux. Concernant l’insécurité, il propose de dialoguer avec les groupes armés en organisant une conférence pour la paix et la sécurité et la force en cas de refus de ces groupes armés de venir au dialogue.
Le deuxième candidat est l’actuel ministre national du développement rural, M. Justin Bitakwira. Originaire du territoire de Fizi, ce dernier s’est présenté comme une « grande star de la politique » et a rappelé ses trois commandements : (i) ne me vole pas, (ii) ne me ment pas, (iii) ne me méprise pas. Pour reconstruire la province, ce dernier déclare qu’il ne faut plus rien apprendre de l’Europe et se tourner vers la Corée du Sud, la Chine et le Japon. Ces derniers construiront les infrastructures dont la province à besoin, notamment les routes (20 à 30 km pour commencer). Concernant l’insécurité il a rejeté les rumeurs comme quoi il soutiendrait des groupes armés. A la question du manque d’électricité et d’éclairage public il soulève les fous rires en déclarant « quand vous me voyez, vous voyez la lumière« . Plus sérieusement, il se propose de privatiser la SNEL et la REGIDESO et d’instaurer un système de prépaiement comme cela se fait dans certains pays voisins. Concernant le sujet délicat de la création de la province d’Elila, ce dernier est pour l’unité mais demande aussi un meilleur partage du pouvoir pour éviter les frustrations.
Le troisième candidat est M. Telexy Rubuye. Ce candidat indépendant du territoire de Walungu a déclaré que la scission de la province en deux avec la création de la province d’Elila n’était pas d’actualité.
Ce technicien du développement rural souhaite avant tout s’attaquer au chômage massif qui touche la province et qui alimente les groupes armés. Il compte également s’attaquer au problème de l’insuffisante de rétrocession des fonds par le gouvernement central à Kinshasa qui ampute le budget provincial du budget nécessaire pour construire des infrastructures. Concernant l’insécurité, il propose de responsabiliser davantage les chefs de quartier et les bourgmestres et de réhabiliter les « nyumba kumi » (dix maisons) comme noyau de base pour juguler l’insécurité. Enfin, il compte développer l’énergie solaire par la construction d’une centrale de 5 méga watts et faire venir de Chine des camions forage pour lutter contre le manque d’eau potable. Il est aussi le premier candidat qui a mis en avant l’installation de parcs agro-alimentaires.
Le quatrième candidat est M. Jean-Claude Kibala, l’ancien ministre national de la fonction public et l’ancien vice-gouverneur du gouverneur Cisambo. Aujourd’hui, il se présente sous l’étiquette MS/Lamuka. Ce dernier a défini quatre problèmes fondamentaux :
l’incivisme, l’insécurité, la prédation des ressources naturelles et la pauvreté et un remède : la restauration de l’autorité de l’Etat.
Pour expliquer son propos, il s’est référé à son expérience concluante de vice-gouverneur. Il s’est également référé à son expérience ministérielle en expliquant comment il a fait économiser 300 millions de francs congolais en supprimant les fonctionnaires fantômes. Au pouvoir, il promet d’augmenter les salaires des fonctionnaires dont beaucoup sont en grève du fait d’arriérés de salaire. Il s’est aussi félicité d’avoir créé l’ENA avec l’aide de la France. Enfin, il a expliqué avoir abandonné son poste ministériel car il s’était rendu compte que « ce n’était pas la solution« . C’est ainsi qu’il s’est retrouvé dans l’opposition avec Martin Fayulu, le candidat malheureux de l’élection présidentielle du 30 décembre dernier. Enfin, il a tendu la main aux députés provinciaux présents dans la salle en expliquant qu’ils ne sont pas les députés de leur parti mais des Sud-Kivutiens.
La cinquième candidate est Mme Shenila Mwanza. Elle est la seule femme dans la province à compétir à ce poste et une des trois femmes candidates gouverneur dans toute l’étendue de la RDC. Dans son programme, elle prévoit d’abord lutter contre les injonctions de Kinshasa. Elle promet également de porter la voix des femmes. En ce qui concerne l’insécurité, elle a fustigé les « tireurs de ficelle » qui instrumentalisent les groupes armés. Son programme économique est axé d’une part sur la privatisation des secteurs de la distribution de l’eau, de la santé et de l’électricité. Pour cela, elle envisage de revoir la taxation à la baisse afin d’attirer des investisseurs. Elle propose également de créer une banque de développement qui permettra de stimuler l’entrepreneuriat dans tous les domaines.
A l’issue de cette rencontre, les candidats ont répondu chacun en dix minutes à des questions écrites des participants. Les questions posées ont notamment concerné le sort des pygmées expulsés du parc national Kahuzi-Biega, les conflits fonciers dans la ville, les dettes des fonctionnaires, les tracasseries de la police de la route et la création de la province d’Elila.
A l’issue de cette séance de questions réponses, la parole a été donnée au rapporteur de l’assemblée provinciale du Sud-Kivu. Ce dernier a rappelé que la population n’a plus besoin de promesses mais d’actions concrètes répondant aux préoccupations de la population (eau potable, électricité, nouveau marché à Nyawera…)
En clôturant le débat, le Président de la société civile du Sud-Kivu a demandé aux candidats de reconnaître le gagnant des prochaines élections et de le soutenir. Il a également exhorté les candidats et les grands électeurs à refuser toute forme de corruption et a rappelé qu’une boite anti-corruption était disponible au bureau de coordination de la société civile pour permettre à quiconque de dénoncer des faits de corruption dont il aurait connaissance et de porter plainte auprès du procureur général.
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