Depuis le 6 novembre 2024, les états généraux de la justice se tiennent en République démocratique du Congo, sous le haut-patronage du président de la République, Félix Tshisekedi et la conduite du ministre d’État, ministre de la Justice, Constant Mutamba. Cet événement, destiné à faire le bilan et à proposer des réformes pour améliorer le système judiciaire congolais, a été solennellement ouvert par le chef de l’État, avant que la partie scientifique ne soit lancée par trois éminents intervenants : le professeur Luzolo Bambi Lessa, ancien ministre de la Justice ; Monseigneur Donatien Nshole ; et le Révérend Ejiba Yamapia.
Une justice malade
Premier à prendre la parole, le professeur Luzolo Bambi, a livré un diagnostic approfondi de ce qu’il appelle la « maladie de la justice congolaise ». Selon lui, cette maladie trouve sa source dans la déconnexion entre le contenu de l’article 149.3 de la Constitution congolaise, selon lequel « la justice est rendue au nom du peuple » et la réalité vécue par les citoyens. Ce fossé, selon lui, est à l’origine de la frustration populaire et de la perte de confiance dans le système judiciaire.
En outre, le professeur Luzolo Bambi a identifié deux causes principales à cette situation : les facteurs techniques et les causes socio-anthropologiques.
Causes techniques
Pour le professeur Luzolo Bambi, l’un des problèmes majeurs est l’ambiguïté entre le « pouvoir judiciaire » et « l’autorité judiciaire », une distinction fondamentale dans la Constitution, mais mal appliquée dans les pratiques congolaises. Ainsi, a-t-il expliqué, bien que la Constitution reconnaisse un pouvoir judiciaire indépendant, l’influence des acteurs politiques et judiciaires limite cette autonomie. Ainsi, dans la pratique judiciaire congolaise, le régime appliqué est celui de l’autorité judiciaire et non le régime du pouvoir judiciaire. Cette ambivalence, selon lui, est l’une causes majeures du dévoiement de la justice congolaise. Il a donc recommandé donc aux participants d’opter de manière claire pour un régime du pouvoir judiciaire véritablement indépendant.
Causes socio-anthropologiques
Sur le plan socio-anthropologique, le Professeur Luzolo Bambi a dénoncé une impunité généralisée dans le pays. Celle-ci s’exprime d’abord par l’absence de poursuites pour les violations graves et massives des droits humains et du droit international humanitaire commises durant les différents conflits qui ont ensanglanté la RDC (plus de 15 millions de morts). Ensuite, a-t-il fait savoir l’impunité sévit également dans les affaires de corruption et de détournement de fonds publics ; l’instrumentalisation de la justice et la caporalisation des magistrats par la pratique exagérée du trafic d’influence, en plus des immunités et inviolabilités des hautes autorités politiques du pays. Par conséquent, il a relevé le fait qu’en RDC, la justice s’arrête à la porte du parlement, créant un système de justice à deux vitesses, où les élites jouissent d’une quasi-immunité, tandis que les citoyens ordinaires subissent toute la rigueur de la loi. Pour le professeur Luzolo Bambi, cette impunité, associée à une instrumentalisation politique de la justice, affaiblit le système judiciaire et doit être impérativement combattue.
Des recommandations claires pour une justice rénovée
Fort de ce diagnostic, le professeur Luzolo Bambi a proposé quatre axes de réforme pour remettre la justice congolaise sur pied. Premièrement, il a préconisé la poursuite et l’achèvement du processus de justice transitionnelle déjà amorcé par le Président de la République, notamment par l’institutionnalisation du Fonds national de réparation des victimes (FONAREV). Ce fonds vise à reconnaître et à réparer les préjudices subis par les victimes des conflits armés en RDC. En deuxième lieu, l’ancien ministre de la justice a proposé d’intensifier la lutte contre la corruption et le détournement des deniers publics grâce à des mécanismes de contrôle rigoureux et des sanctions exemplaires.
Troisièmement, le professeur Luzolo Bambi a insisté sur la nécessité de renforcer l’application des peines pour rétablir l’autorité et la crédibilité du système judiciaire.
Enfin, pour assainir le système judiciaire, il a recommandé la création d’un système national d’intégrité (SNI), destiné à promouvoir la transparence au sein de l’État et à garantir l’intégrité des institutions judiciaires.
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