Ils sont jeunes, déterminés et animés par la fureur de vaincre. Qui sont ces Wazalendo, bottes en caoutchouc qui font essuyer aux terroristes du M23 des revers inimaginables ? Notre équipe de reportage s’est engouffrée dans l’une de leurs pérégrinations dans le territoire de Masisi. Moral gonflé à bloc, les jeunes combattants sont habitués aux tirs de canon. Leur plus grande arme reste l’espoir d’un pays en paix, sans discrimination de communauté. Dans leurs tranchées, ils savent tenir bon une position conquise.
“Nous sommes un groupe d’autodéfense”, explique un de leurs chefs assis sur un tronc d’arbre, yeux vifs, observant les collines de Bwiza, non loin de montagnes où semblent se terrer les rebelles du M23. “Nous avons l’obligation de défendre notre pays. Voilà pourquoi nous sommes réunis au sein de VDP (Volontaire pour la défense de la patrie). Une fusion de plusieurs groupes armés locaux”, a-t-il souligné.
Début octobre, ces jeunes ont lancé, contre toute attente, une offensive ravageuse contre le M23. Au départ, personne ne les prenait au sérieux. La vague de victoires a suscité un réveil collectif. Aujourd’hui, ils passent pour des libérateurs. Mais eux-mêmes ne s’affolent pas. En première ligne contre l’invasion rwandaise, Amisi, 25 ans, a hâte de parader sur Bunagana, le dernier fief du M23.
On va libérer tous les territoires sous le contrôle des rebelles du M23, y compris Bunagana, rassure-t-il.
Tout d’un coup, le crépitement des balles résonne. Les résistants se déploient et lancent l’assaut. Un silence de cimetière après le sifflotement des balles. “Il n’y a rien. Ils ont tenté de nous attaquer et on les a mis en déroute”, se flatte Olivier Karume, arme en bandoulière.
Le jeune homme a parcouru des centaines de kilomètres pour arriver au pic de cette montagne surplombant Kitshanga. Un peu de détente. Un coup de fil à ses proches pour leur rassurer que tout va bien. Dans ses dires, on sent l’envie d’en découdre avec les ennemis de la paix.
Nous allons cette fois-ci mettre fin à cette aventure. Trop, c’est trop. Nous avons besoin de la paix pour nos parents, nos sœurs, nos frères, nos enfants. Depuis de décennies, ils errent dans les forêts ici au Nord-Kivu, hurle le guerrier. À première vue, la vie ne représente plus rien pour lui.
“La mort se rapproche davantage, mais tout le monde partira un jour, mais d’abord il faut rétablir la dignité de notre peuple, de notre patrie. Je serai en paix si cette mission est accomplie”, rappelle-t-il.
Le M23 piétine
Le sourire qu’arborait le leadership du M23 s’est transformé en rictus. Un rictus qui exprime de l’amertume, du désenchantement et de la fatigue, comme pour dire : jamais de bonnes nouvelles lorsqu’il s’agit des Wazalendo. Jeudi 12 octobre, il est 9 h 30, ces jeunes armés de AK47, quelques PKM et des armes blanches se préparent à conquérir une nouvelle position des rebelles. Dans le groupe, on y trouve de jeunes filles qui ne jurent que par la protection de leur pays. “J’ai tout laissé derrière moi, le confort, la fortune, la vie d’une fille, j’ai choisi l’arme comme moyen de défense pour imposer la paix chez moi, car je ne peux pas avoir tout ce dont j’ai besoin alors que mon pays est assiégé par les ennemis“, lance, arme à la main, Divine, une jeune fille du groupe armé APCLS.
Derrière elle, trois autres combattants dans les trous de fusiliers. Chacun a son canon tourné vers l’ennemi. Même rhétorique. Le sentiment patriotique prévaut. « Je suis un jeune parce que j’ai un pays, sans celui-ci, je ne suis rien, je n’ai que la RDC qui est aujourd’hui sous la menace du Rwanda sous couvert du M23. Je dois me rassurer que j’ai laissé un pays en paix à mes enfants », motive-t-il sa décision de rejoindre le mouvement.
Un autre jeune du groupe Wazalendo s’avance vers nous. “Avec seulement ces armes, les AK47, nous avons conquis l’ensemble du territoire de Masisi en moins d’une semaine”, s’est-il bombé le torse. Pas sûr qu’on s’arrête en si bon chemin, sourit-il. Hormis des vestiges d’une vie passée dans certaines localités libérées, il sera difficile que la vie reprenne rapidement. Les tueurs du M23 ont tout pillé, se désole le battant.
Depuis quelques jours, les jeunes patriotes poursuivent les rebelles du M23 dans les profondeurs du territoire de Rutshuru. “Le défi est énorme. Mais avec Dieu, nous vaincrons, car notre cause est juste”, dit-il. Quelques villages du territoire de Rutshuru et Nyiragongo restent encore sous le contrôle des rebelles du M23. Mais, les Wazalendo font pression. Parfois, ils butent à l’intransigeance des forces ougandaises ou kényanes de la force régionale qui semblent freiner leur marche vers Bunagana. La ville sera l’épicentre d’une bataille acharnée, reconnaissent les Wazalendo. Les résistants fulminent de colère et n’hésitent pas à crier à la complicité tacite de ces troupes EAC avec les forces du M23.
Dimanche 15 octobre, les terroristes du M23 ont tenté de déborder vers le village de Kizimba à près de 8km de la cité de Kitshanga, mais ils ont été vite repoussés par les jeunes résistants patriotes. Les Wazalendo ont pris l’ascendant sur l’ennemi. Ils se frottent les mains d’avoir éloigné la menace loin de Kitshanga. La cité passe aujourd’hui pour une forteresse imprenable. Tous se moquent de Bertrand Bisimwa, le laquet des Rwandais et son garçon de course, Willy Ngoma. Ils finiront par abdiquer.
a nuit tombe à Kitshanga, les libérateurs qui font la procession avec la population lors de leurs conquêtes de villages et cités, sont choyés. Les habitants les accueillent avec des rameaux. Preuve que ces Congolais, longtemps opprimés, respirent finalement l’air de liberté. “Fini l’oppression du M23 et maintenant, nous voulons que les FARDC viennent ici”, a insisté Byamungu, la quarantaine révolue, enseignant mais cloué chez lui depuis l’arrivée des envahisseurs RDF-M23. Le professionnel de la craie vivait la peur au ventre avec les anciens maîtres du lieu. Aujourd’hui, il a retrouvé le sourire. Il pense désormais reprendre ses activités scolaires, même si les élèves sont éparpillés. Les uns sont sans traces, les autres sont dans des camps de déplacés tout près de Goma, la capitale provinciale du Nord-Kivu. Au milieu de ce paysage de désolation, de rares commerces sont ouverts. La population s’est habituée à vivre sous les bombes. Un lot quotidien d’enfer que les Wazalendo veulent faire oublier de la vie de ces paisibles congolais.
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