RDC : Jacques Djoli Eseng’ekeli : « La désignation de Mabunda est une dérive plébiscitaire (Interview)

Jacques Djoli. Radio Okapi/ Ph. John Bompengo

Inspecteur général du Mouvement de libération du Congo (MLC), le député national Jacques Djoli Eseng’ekeli est monté au créneau, au lendemain du plébiscite de Jeanine Mabunda au perchoir de la chambre basse du parlement, pour dénoncer ce qu’il qualifie de « hold-up électoral ». L’élu de Boende, dans la province de la Tshuapa, fustige le comportement de ses pairs de la majorité qui, à l’en croire, n’ont pas encore muté vers la civilisation démocratique en tentant d’exhumer, dans leur pratique parlementaire, les tares décriées du parti-Etat de la deuxième République.

Le Courrier de Kinshasa (L.C.K.) : L’Assemblée nationale a désormais une présidente à sa tête, en la personne de Jeanine Mabunda.  Comment avez-vous accueilli son élection au perchoir de cette institution législative ?   

Jacques Djoli Eseng’ekeli (J.D.E.) : Je préfère parler de désignation des membres du bureau de l’Assemblée nationale et non pas d’une élection. L’élection implique le choix entre au moins deux personnes. Lorsqu’il n’y a pas élection, le mot qui convient pour qualifier ce qui s’est passé, le 24 avril 2019, au Palais du peuple, serait une « dérive plébiscitaire ». Aujourd’hui, nous nous retrouvons comme au bon vieux temps du MPR parti-Etat ou du parti unique du type stalinien, c’est-à-dire on traite les députés comme des robots qu’on convoque sans ménagement pour aller  valider des actes de nomination pris en dehors du parlement et qu’on impose aux parlementaires que nous sommes. Alors pourquoi ont-ils perdu beaucoup de temps et de moyens en imprimant des bulletins de vote ? Or, ils auraient tout simplement voté par acclamation comme pendant la deuxième République sous le maréchal Mobutu.

Le poste de rapporteur adjoint qui vous a été octroyé reste encore à pouvoir. Est-ce à dire que l’opposition ne siégera pas au bureau de l’Assemblée nationale au cours de cette législature?

La question fondamentale est celle de la compréhension de la démocratie et non celle de l’occupation des postes, parce que même si on aurait accordé deux ou trois postes, les cent trois députés nationaux de l’opposition n’allaient pas les occuper tous. La démocratie se définit aujourd’hui comme le pouvoir de la majorité, le contrôle de l’opposition et l’arbitrage du peuple ou du juge. A partir du moment où ceux qu’on appelle la majorité ne comprennent pas le sens de la démocratie et violent la Constitution, alors là c’est le monde à l’envers. L’article 8 de la Constitution dit que les droits de l’opposition de participer à la conquête et à l’exercice du pouvoir sont sacrés. Ensuite, l’article 7 portant statut  de l’opposition recommande qu’on retrouve dans les assemblées délibérantes (tant au niveau national que provincial) la présence de l’opposition. Malheureusement ici, nous nous retrouvons avec des acteurs qui fonctionnent encore avec le schéma, ou mieux, le mode de représentation de type autoritaire et qui n’ont pas encore muté vers la civilisation démocratique.  Grosso modo,  il ne s’agit pas d’une question d’un ou de deux postes, mais de la conception de la vie démocratique dans un pays qui vient de faire au moins trente ans de recherche de construction démocratique.   En un mot, l’opposition n’est pas prête à cautionner ce hold-up et tend à s’ériger en une opposition faire-valoir.

Pourquoi avoir saisi le Conseil d’Etat et qu’espérez-vous ? 

Nous n’avons pas saisi le Conseil d’Etat pour contester la répartition des postes. Nous l’avons saisi pour violation de la loi organique et du règlement d’ordre intérieur qui nous régit. Le problème, ce n’est pas le poste, mais plutôt la conception que nos collègues de la majorité ont de la démocratie. Comment expliquer que les élus de Beni, Butembo et Yumbi, bien que validés, n’ont pas été pris en compte dans le calcul de répartition machiavélique des postes fait à ce propos ? Bien plus, le député Henri-Thomas Lokondo, qui a voulu se présenter en indépendant conformément au règlement d’ordre intérieur et à l’arrêt de la Cour constitutionnelle, a été exclu de manière abusive par une motion considérée par le président du bureau provisoire comme politique et non réglementaire.

Est-ce à dire que vous êtes au bout de vos peines?

Comment peut-on fonctionner avec une telle dictature ? La démocratie moderne se lit au travers de la loi de l’opposition qui veut dire qu’on n’a pas juridiquement tort parce qu’on est politiquement minoritaire. Ce sont des données qui font qu’aujourd’hui, nous ne pouvons pas travailler avec une majorité qui se comporte de manière abusive.

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