RDC-Kinshasa : Prolifération des églises de réveil à travers la capitale

La ville de Kinshasa connait depuis plus d’une dizaine d’années une croissance numérique des églises de réveil, a constaté l’ACP, au cours d’une ronde effectuée à travers les différentes communes de la capitale. Kinshasa, capitale de la « foi abondante » ou ville de la prière sans cesse ? A chacun son jugement.

La vérité est que la vaste métropole rd congolaise compte des milliers d’églises de réveil. Un peu comme les partis politiques, les « temples » prolifèrent constamment dans la plupart des communes de la capitale. Avec une mention spéciale dans des quartiers populaires dont les populations vivent dans la précarité. Un véritable phénomène de société qui a pris corps depuis plus d’une décennie !

Le phénomène de religiosité ambiante dans la ville de Kinshasa, touche par exemple le quartier 6 de la commune de N’Djili qui – avec une superficie moyenne de 0,684Km² et une densité de 49 hab/Km² – comptait, selon le rapport annuel portant exercice 2016, une quarantaine d’églises dites de réveil spirituel !

Selon Jean Manzaki, chef de ce quartier, son entité compte 32 avenues. Simple calcul arithmétique, on retrouve au minimum une église sur chaque avenue. Bien ahurissant, il se trouve des cas où deux églises soient séparées par un mur mitoyen… « Ça fait anarchie », s’exclame un responsable du bureau du quartier de ce coin populaire de la capitale.

Certains croyants contactés, indiquent que celles-ci naissent de la scission des membres pour certaines et, tandis que, pour d’autres sur base de la révélation du responsable et d’un groupe de fondateurs. Ces églises, pour la plupart, n’ont rien de la divinité. Elles se trouvent installées dans des coins des rues dans les différents quartiers de la ville de Kinshasa.

UN BUSINESS FLORISSANT

Tirant profit de la laïcité de l’Etat congolais consacrée dans la constitution, nombreux sont des Congolais qui se sont adaptés à la nouvelle et rude situation économique du pays, en créant des églises. « Un véritable créneau porteur de bonnes affaires » sous le label « d’Associations sans but lucratif [ASBL] », estiment nombre de Kinois. Par ailleurs, contrairement aux églises traditionnelles, confessionnelles, qui observent un programme pour les cultes, celles dites de réveil ne tiennent pas compte des jours et des heures de prière.

En leur seins, on y trouve des pasteurs, des prophètes, des évangélistes et des apôtres qui, pour impressionner les croyants, portent de belles vestes avec comme message : « Vous demeurez pauvres parce que vous volez Dieu dans les dîmes et les offrandes », précisent certains croyants.

« La vocation qui, autrefois s’avérait divine, a basculé en une simple piste par laquelle se jettent certains jeunes et vieux pour se faire de l’argent, en transformant des églises en des kiosques religieux, ne prêchant que la prospérité, le voyage, le mariage, le succès, le visa », ont-t-ils renchéri.

Des gens qui, faute d’emploi rémunérateur, ont jeté leur dévolu sur ce que nous avons toujours qualifié d’« évangile du ventre » ou « alimentaire ».

Un point de vue que partage cette catholique pratiquante. « Les églises de réveil ne m’ont jamais intéressé. En plus de nombreux abus commis par certains pasteurs mais qui passent sous silence au nom d’une mauvaise interprétation du Psaume 105 : 15 où le Seigneur dit : « Ne touchez pas à mes oints, et ne faites pas de mal à mes prophètes ». Mais tout le problème est de savoir si tout celui qui se place devant la chaire est un oint de Dieu. Je ne pense pas », dit-elle.

Prenant le contrecoup de cette opinion très répandue dans les rues de Kinshasa, Jean-Paul Mayata, pasteur d’une église de réveil, justifiait l’omniprésence des églises par la crise morale qui a caractérisé la société kinoise. « L’apparition des églises n’est pas une si mauvaise chose. Elle n’est pas non plus à confondre avec le commerce, comme le prétendent certains de nos compatriotes. Notre mission est de ramener le peuple de Dieu sur le droit chemin. Lui enseigner l’évangile pour le salut éternel ».

Une autre chrétienne, quant à elle, invite à la jugeote. « Par rapport au jugement que la plupart des Kinois portent sur les pasteurs d’églises de réveil, je dois d’emblée relever que tous ne sont pas pareils. Il y en a qui exercent leurs ministères dans la crainte de Dieu. Je parle des pasteurs qui ont réellement reçu l’appel de Dieu. Par contre, il en existe ceux qui ont quelque peu dévoyé l’évangile. Mais quel que soit le cas de figure, il nous appartient à bien discerner afin de séparer le bon grain de l’ivraie, telle que nous le recommande la Bible », a-t-elle déclaré.

A tous égards, le problème devrait d’avantage se poser en termes de préalables à la fondation d’une église de « réveil » à Kinshasa, quand on sait que la Constitution du 18 février 2006 a semblé tout résoudre – Il sied de rappeler qu’il appartient à l’autorité provinciale de réglementer ce domaine combien crucial, en ce sens qu’il touche la spiritualité et la morale du peuple de Dieu.

Cependant, des observateurs avertis pensent qu’il ne serait pas mauvais qu’une loi organique puisse quand même réglementer ce secteur de la foi. Ne serait-ce qu’en termes de nombre d’églises à avoir dans une même aire, la distance devant séparer une église de réveil d’une autre, le profil du pasteur, etc. Cela n’énerverait nullement la constitution. Au contraire. Bien faire les choses, c’est aussi y mettre de l’ordre. Le droit de la population à un environnement sans tapage diurne et nocturne en vaut le prix.


ACP

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