
La savane artificielle se transforme spontanément en forêt tropicale humide si on arrête d’y mettre le feu chaque année. Telle est la conclusion d’une expérience naturelle menée par des chercheurs du MRAC (Musée royal de l’Afrique centrale à Tervuren), de l’Université de Gand, du WWF et de l’INERA (Institut National pour l’Étude et la Recherche Agronomiques) dans la savane Manzonzi (Mayombe), à l’ouest de la République démocratique du Congo. La restauration de la forêt tropicale humide renforce les capacités de stockage du carbone, mais favorise aussi la biodiversité. Un modèle pour les programmes de reboisement naturel dans la région.
L’urbanisation, l’exploitation forestière et la demande de terres agricoles entraînent un déboisement à grande échelle en Afrique. Des savanes artificielles sont aménagées pour l’élevage et la culture. En outre, la végétation est régulièrement brûlée pour rendre les terres cultivables ou attirer les animaux grâce aux nouvelles pousses.
Mais la disparition de la forêt humide entraîne aussi la réduction des capacités de stockage du carbone. Les forêts tropicales emmagasinent la moitié de la quantité totale du carbone terrestre. Elles jouent un rôle essentiel dans la régulation du climat en absorbant l’excédent de CO2 de l’atmosphère.
Restauration spontanée
Le simple fait de mettre un terme à la pratique des brûlis entraîne une restauration naturelle de la forêt tropicale humide. Telle est la conclusion d’une expérience naturelle menée dans la savane Manzonzi, près de la forêt du Mayombe, à l’extrême ouest du Congo.
Pour étudier la transition de la savane à la forêt tropicale après l’arrêt des brûlis, les chercheurs ont examiné les espèces d’arbres présentes sur un site d’étude d’une surface de 37,2 hectares. Sur une période de quatre ans, ils ont observé une augmentation de neuf arbres par hectare et par an pour les espèces forestières et une disparition rapide des espèces de savane, avec 16 arbres en moins par hectare et par an. Et ce, sans aucune intervention humaine.
150 ans pour se rétablir
L’augmentation du nombre d’espèces forestières augmente les capacités de stockage du carbone. Mais neuf ans après l’arrêt des brûlis, la zone d’étude renfermait moins de 5 % de la quantité moyenne stockée par une forêt humide adulte de la région. Victor Deklerck (doctorant UGent/MRAC) a fait le calcul : « Il faudra encore au moins 150 ans avant que le site puisse stocker autant de carbone qu’une forêt tropicale humide à part entière d’Afrique centrale ».
Les initiatives de reboisement constituent une stratégie importante de lutte contre le changement climatique. «Notre étude prouve le succès des programmes REDD+ (Réduction des émissions provenant du déboisement et de la dégradation des forêts) », explique Victor Deklerck. « Elle montre également qu’en misant sur la restauration naturelle, le stockage de carbone peut aller de pair avec la préservation de labiodiversité – contrairement aux plantations artificielles et souvent homogènes qui la restreignent. La nature fait particulièrement bien son travail ».
L’impact de l’homme sur les paysages et la biodiversité en Afrique est un thème central de la nouvelle exposition permanente de l’AfricaMuseum, qui a rouvert ses portes le 8 décembre 2018, après cinq années de fermeture pour rénovation.
Article scientifique:. Rate of forest recovery after fire exclusion on anthropogenic savannas in the Democratic Republic of Congo
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