Après des années d’accusations non vérifiées, attribuant les violences dans la région de Beni (Nord-Kivu) à des forces islamistes, l’État islamique (EI, appelé aussi ISIS en anglais ou Daech en arabe), a revendiqué, pour la première fois, une attaque commise mardi au Congo, près de la frontière ougandaise.
A force de crier au loup, il est arrivé. Voilà plusieurs années, en effet, que l’armée congolaise attribue les activités de la rébellion ougandaise ADF (Allie Democratic Forces, Forces démocratiques alliées) à l’internationale du terrorisme islamiste. Comme aucune preuve n’en avait jamais été apportée jusqu’ici, les observateurs voyaient dans cette accusation une tentative de voir le Congo inclus dans une alliance anti-terroriste, pour bénéficier de l’appui des États-Unis.
Sans compter que plusieurs études (Onu, Groupe d’Étude sur le Congo de l’Université de New York) montraient que l’armée congolaise était liée à l’épidémie de massacres que subit la région de Beni depuis octobre 2014. Ceux-ci ont fait plus de 2000 morts et quelque 160.000 déplacés.
« Coalition terroriste » dans les deux Kivus et en Ituri?
En septembre 2017, un communiqué du général-major Leon Richard Kasonga, de l’armée congolaise, indiquait que les tueries de Beni étaient l’œuvre d’une « coalition terroriste internationale » regroupant notamment des Ougandais, Rwandais, Burundais, Kenyans, Tanzaniens, Sud-Africains, Mozambicains et « autres renégats œuvrant à partir de certains pays voisins ». Selon lui, leur zone d’activité au Congo était, outre Beni, Uvira et Fizi (Sud-Kivu) et l’Ituri (au nord du Nord-Kivu, toujours le long de la frontière ougandaise).
Jusqu’ici, cependant, remarque notre confrère congolais Actualités.cd, les victimes de ces tueries étaient des civils. L’attaque revendiquée par l’État islamique a tué des soldats congolais.
Selon la revendication postée sur le site de propagande de l’État islamique, Amaq, trois soldats congolais auraient été tués et cinq blessés lors de l’attaque d’une « base de l’armée » congolaise à Bovata, à 5 km de Kamango, dans la région de Beni. Selon l’agence Reuters, qui cite des sources onusiennes et de la société civile locale, il y a eu mardi dernier à Bovata un affrontement avec des rebelles ADF, qui a tué deux militaires et un civil congolais.
Tentatives de se rallier à EI
Selon le Groupe d’Étude sur le Congo de l’Université de New York, les ADF ont fait plusieurs tentatives pour se rallier à l’EI. Celles-ci semblent avoir finalement été entendues. En octobre dernier, l’EI a diffusé une vidéo contenant un appel à l’Hijrah (la migration) des soldats du « califat » vers le Congo, appel lancé par une faction armée appelée MTM (Madinat al-Tawhid wal Muwahhidin, la cité des monothéistes et des guerriers saints), sigle que l’ADF a rajouté à son drapeau ces dernières années.
En septembre dernier, le Trésor américain a désigné Waleed Ahmaed Zein, basé en Afrique de l’est, comme un des financiers de l’État islamique fournissant de l’argent à des combattants en « Syrie, Libye et Afrique centrale ». Cette semaine, le Trésor a ajouté le nom d’une partenaire de Zein, Halima Adnan Ali, ayant participé à la mise à disposition de fonds à des islamistes en Afrique centrale.
D’autres attaques à venir
La revendication de l’attaque de Kamango est apparue jeudi sur le site Amaq. Elle situe les faits dans la Wilayat Wasat Ifriqiyah (« province d’Afrique centrale » du califat islamiste), ce qui semble annoncer que d’autres attaques auront lieu.
Selon FDD’s Long War Journal, site dédié à la lutte anti-islamiste, cependant, les liens entre la RDCongo et l’État islamique pourraient être ténus et la revendication de l’attaque de Kamango pourrait faire partie d’une stratégie visant à présenter le groupe terroriste comme toujours actif dans le monde malgré la perte de son territoire en Syrie.
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