Les yeux, au Congo, sont tournés vers Beni (nord du Nord-Kivu), théâtre d’une recrudescence des massacres depuis que l’armée congolaise a lancé, le 30 octobre, une offensive contre les rebelles ougandais ADF, à qui sont officiellement attribuées ces tueries. On fait moins attention à une autre offensive de l’armée congolaise, qui vise, celle-ci, les FDLR (rebelles hutus rwandais, issus des génocidaires).
La recrudescence des massacres dans la région de Beni – où ils ont déjà fait plus de 3000 morts depuis 2014, selon la société civile, sans que l’on connaisse les raisons de ces crimes qui semblent largement manipulés – occupe tout l’écran des actualités à l’est du Congo: n’a-t-elle pas provoqué une panique parmi la population et des émeutes contre la présence de la Monusco (Mission de l’Onu au Congo), avant de provoquer des demandes de la société civile locale pour que le départ des casques bleus soit décidé et organisé?
Le public fait moins attention à une seconde offensive de l’armée congolaise, contre les FDLR celle-ci. Ces derniers sont des rebelles hutus rwandais issus des génocidaires de 1994. Ils sont formés de résidus de l’armée hutue rwandaise vaincue; de miliciens extrémistes hutus Interahamwés et de leurs enfants; le groupe fonctionne selon l’idéologie génocidaire qui s’est répandue au Rwanda dans les années 90.
Les FDLR se sont rendus coupables, depuis 1994, d’attaques au Rwanda depuis le territoire congolais et, surtout, de très nombreuses exactions au Nord- et au Sud-Kivu où ils se sont installés à la faveur de conquêtes de territoires, d’alliances matrimoniales et de marchés juteux avec des officiers de l’armée congolaise.
« Des Rwandais en uniforme congolais »
Depuis cet automne, une offensive de l’armée conglaise a été lancée contre les FDLR dans la zone Lubero-Masisi (Nord-Kivu) et à Kalehe (Sud-Kivu) contre une scission des FDLR, le CNRD. « Mais, ici, tout le monde pense qu’il y a des Rwandais en uniforme congolais, avec le feu vert de Félix Tshisekedi », indique une source kivutienne à La Libre Afrique.be.
Les élites kivutiennes notent en effet l’exceptionnelle efficacité de cete offensive de l’armée congolaise. Celle-ci survient après l’annonce, en octobre, d’opérations conjointes avec les armées de plusieurs pays des Grands lacs contre la multiplicité de groupes armés présents à l’est du Congo; ces opérations avaient été annulées en raison de l’hostilité de l’opinion congolaise à toute présence militaire du Rwanda et de l’Ouganda dans leur pays. Beaucoup soupçonnent que ce qui ne peut se faire ouvertement se fait sous le manteau. Côté rwandais, on se contente de dire que « Tshisekedi a promis à Kagame de mettre de l’ordre au Kivu ».
La mort de grands chefs FDLR
On note la mort récente de deux grands chefs FDLR. Le 17 septembre dernier, l’armée congolaise a en effet annoncé le décès du chef du bras militaire des FDLR, les FDLR-FOCA, le général Sylvestre Mudacumura, à Rutshuru (Nord-Kivu) « avec ses lieutenants ». Cet ancien commandant en second de la garde présidentielle de Juvénal Habyarimana avait combattu ensuite au côté de l’armée congolaise sous Kabila; était réputé avoir liquidé plusieurs de ses officiers qui voulaient rentrer au Rwanda; était visé par un mandat d’arrêt de la CPI (Cour pénale internationale) depuis 2012 pour crimes de guerre et contre l’humanité au Kivu.
Le 9 novembre, disparaît à son tour le général Musabimana, dit « Jean-Michel Africa », à Rutshuru lui aussi. Ancien officier d’Habyarimana, ancien des FDLR-FOCA, il avait pris la tête d’une dissidence, Rud-Urunana, groupe armé lié, selon Kigali, à l’opposante Victoire Ingabire et soutenu depuis quelque temps par l’Ouganda – en guerre larvée contre le Rwanda.
Selon les sources de La Libre Afrique.be, toutefois, les deux hommes ont été tués d’une balle dans la tête, autrement dit exécutés et non tués au combat.
Redditions massives
L’armée congolaise indique avoir fait beaucoup de morts et blessés chez les FDLR, ainsi qu’obtenu la reddition de nombre de ces combattants rwandais. Ainsi, au Sud-Kivu, 1800 personnes – des combattants CNRD, une autre dissidence des FDLR, et leurs familles – se sont rendues le 8 décembre à l’armée congolaise. D’aucuns n’hésitent donc pas à dire que les FDLR sont en train d’être « structurellement affaiblis ».
On peut en voir un indice dans un communiqué du 29 novembre du MRCD, une plateforme rwandaise d’opposition qui regroupe des opposants politiques autour du CNRD, sous la présidence du colonel Wilson Irategeka (passé des FDLR au CNRD). Cette plateforme n’hésite en effet pas à crier au « génocide » contre les siens, accusant l’armée congolaise et des « militaires rwandais sous uniforme de l’armée congolaise » de massacrer des « réfugiés rwandais » à Kalehe. « L’objectif est de massacrer tous ces réfugiés et que personne ne puisse survivre d’ici le mardi 3 décembre 2019 ».
Dans un communiqué du 18 décembre, le CICR indiquait que 1400 des 1800 CNRD qui s’étaient rendus à l’armée congolaise se trouvaient au camp militaire de Nyamunyunyi dans une situation humanitaire « extrêmement préoccupante » (17 personnes, dont 9 enfants y étaient décédés), après le « transfert » (le communiqué ne dit pas vers où) de 302 personnes. Le CICR avait lui-même amené « 2 blessés et 10 enfants malades » à l’hôpital de Bukavu, « actuellement saturé ».
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