Soudan : Que contient l’accord de partage du pouvoir entre militaires et civils ?

Sous la pression de milliers de manifestants, les dirigeants de l’armée soudanaise et l’opposition ont fait une avancée décisive dans les négociations en vue de la formation d’un conseil mixte civil-militaire.

Les leaders de la protestation soudanaise et les dirigeants de l’armée ont convenu samedi 27 avril de créer un conseil de gouvernement conjoint civil-militaire, ce qui constitue une avancée majeure dans les pourparlers entre les deux parties sur la demande des manifestants de passer au pouvoir civil. Soit deux semaines après la destitution du président Omar el-Béchir.

Un conseil mixte militaro-civil

Ce compromis a été trouvé lors de la première réunion d’un comité conjoint, créé mercredi, qui regroupe les représentants de la contestation et ceux du Conseil militaire de transition au pouvoir. L’ordre du jour portait sur la demande des contestataires de transférer le pouvoir aux civils. Dans une courte vidéo publiée sur Twitter, Mohamed Nagi al-Asam, de l’Association de professionnels soudanais, a déclaré qu’ils « avaient donné leur accord de principe » au cours des deux réunions pour former un conseil de transition conjoint.

« Nous sommes arrivés à un accord sur un conseil conjoint entre les civils et l’armée », a déclaré à l’AFP Ahmed al-Rabia, représentant des manifestants qui a participé aux pourparlers.

Depuis le 6 avril, les manifestants sont rassemblés jour et nuit devant le QG de l’armée à Khartoum, dans le prolongement d’un mouvement de protestation déclenché le 19 décembre. Initialement, il dénonçait le triplement du prix du pain, dans un pays largement touché par la misère, avant de se muer en contestation contre Omar el-Béchir, chef de l’État pendant près de 30 ans. L’arrestation le 11 avril de l’ex-président Béchir, incarcéré depuis, n’a pas fait cesser la contestation. Les opposants réclament un pouvoir civil et le jugement de l’ancien président et des principaux responsables de son régime.

Ce Conseil conjoint, qui remplacera le Conseil militaire dirigé par le général Abdel Fattah al-Burhane, constituera l’autorité suprême du pays et sera chargé de former un nouveau gouvernement civil de transition pour gérer les affaires courantes et ouvrir la voie aux premières élections post-Béchir. « Nous menons actuellement des consultations pour décider du pourcentage de civils et de militaires dans le Conseil conjoint », a ajouté Ahmed al-Rabia. Selon des militants, le Conseil sera formé de 15 membres, huit civils et sept généraux.

L’armée tient encore les rênes

Dirigé par le général Abdel Fattah al-Burhane, le Conseil militaire a résisté aux appels à céder entièrement le pouvoir, y compris ceux de la communauté internationale. Trois des dix membres du Conseil militaire avaient toutefois démissionné mercredi.

Pour le chef de l’opposition, Sadek al-Mahdi « ce qui s’est passé au Soudan n’est pas un coup d’État », mais une situation dans laquelle les forces armées « ont pris le parti des revendications populaires ». « Il est possible de se mettre d’accord sur [la mise en place] d’une autorité civile avec le Conseil militaire, car ce dernier n’a pas planifié de coup d’État », disait M. Mahdi, tout en soulignant que son parti ne se joindrait pas au gouvernement civil de transition. « Le régime renversé pourrait encore tenter de faire un coup d’État », a-t-il prévenu.

Samedi, les manifestants interrogés par l’AFP restaient déterminés. « Nous ne partirons qu’après avoir obtenu un pouvoir civil et des lois garantissant la liberté d’expression », lançait l’un d’entre eux, Rawan al-Fateh.

Dans la soirée, des bus ont amené des centaines de contestataires, venus de la province de Kassala (est) pour participer au sit-in, selon un photographe de l’AFP sur place. « Le Conseil militaire a promis que le sit-in ne sera pas dispersé par la force », a déclaré aux journalistes Rachid al-Sayed, porte-parole de l’Alliance pour la liberté et le changement (ALC), le comité conjoint entre contestataires et militaires. Il avait estimé vendredi qu’une période de transition de quatre ans serait nécessaire à la mise en œuvre d’un « programme de redressement » pour sortir de la crise économique.


Le Point

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