Le président Félix Tshisekedi a reçu, dans la nuit de samedi à ce dimanche 12 janvier, une délégation des étudiants de l’Unikin. Au cours d’un tête-à-tête avec le comité estudiantin, le président congolais a réitéré les décisions prises lors du conseil des ministres. Les frais resteront inchangés et les activités suspendues de l’Unikin jusqu’à l’identification des « vrais étudiants ». Il sera par ailleurs lancé les travaux de réhabilitation des homes insalubres et délabrées de l’Université, avant tout relogement. Quant à la question des étudiants sans abris depuis l’évacuation du campus, elle devrait être abordée, demain, lundi à l’occasion d’une rencontre avec le ministre ayant en charge les Affaires humanitaires.
En République démocratique du Congo (RDC), le calvaire des étudiants après l’expulsion des résidences de l’Unikin, l’université de Kinshasa, cette semaine, après deux journées de violences… Expatriés ou Congolais, la plupart des étudiants de ce campus, n’ayant pas de famille dans la capitale, côtoient la misère : ils vont jusqu’à passer la nuit dans des églises.
Situation compliquée
En attendant, pour ceux qui ont dû faire leur valise en urgence, cette semaine, la situation est compliquée, surtout pour les provinciaux qui n’ont pas de famille dans la capitale.
Un pagne, des babouches et un T-shirt… Cela fait quatre jours que Toto Enyungi n’a plus d’autres vêtements. Elle a perdu ses affaires lors de l’expulsion de l’Université de Kinshasa. La jeune étudiante passe nuit dans un hangar qui sert d’église dans la commune de Limete. En ce début d’après–midi, nous la croisons dans une famille où elle a été accueillie pour un repas : « On passe la nuit toujours par terre. Les conditions de vie sont catastrophiques. On ne sait plus quoi faire. On vient chez une mama de l’église… Je ne sais pas comment je vais manger ».
Elles sont une dizaine de filles à passer la nuit dans cette église. Le regard perdu, ses doigts entrelacés, Dorcas est l’une d’elles : « On ne sait pas comment on va faire. On va tomber malades. Nos parents sont là-bas, moi je viens de Gemena. Ils n’ont pas assez de moyens pour qu’on puisse vivre ».
« On a dû harceler les parents »
Toutes n’ont pas des familles dans la capitale comme Jacques Nkanku, mais lui s’est trouvé un appartement, près du centre-ville, pour 60 euros par mois: « On a dû harceler les parents à partir de Kananga pour qu’on puisse trouver où poser la tête. On a vu le compte-rendu du ministre… C’est tout creux. Ils n’ont rien dit à propos de notre situation ».
D’autres se serrent les coudent mais l’attente pourrait être longue, avant de regagner les résidences de la colline inspirée. En effet, le gouvernement a décidé de les réhabiliter, avant tout relogement.
Des milliers d’étudiants de l’Université de Kinshasa (Unikin) ont quitté le campus entre mercredi et jeudi soir sous une pluie torrentielle qui, depuis trois jours, a notamment provoqué la destruction de la principale route qui y mène, à Livulu (Lemba). Certains ont emporté la plus grande partie de leurs biens; d’autres en ont vendus aux habitants des quartiers pauvres qui entourent l’Unikin. Beaucoup ne savent où aller. Joseph Olengankoy (allié de la majorité kabiliste) n’a pas craint de déclarer, selon Politico: « Pour l’instant, ils n’ont qu’à trouver des maisons tout autour du campus et chercher à s’organiser ».
Cet exode fait suite à la menace de la police qui, mercredi, avait donné 48h aux occupants pour quitter le campus, dont les activités étaient suspendues; tout contrevenant “sera considéré comme un infiltré, un ennemi de la République”.
Un mort et des blessés
Cet avertissement sans précédent avait été diffusé à la suite d’une manifestation de protestation contre le triplement du minerval, qui a dégénéré lundi. Un policier a été lynché à mort et deux grièvement blessés, ainsi qu’une demi-douzaine d’étudiants, tandis que des locaux universitaires étaient saccagés et une agence bancaire dévalisée.
De nombreux commentateurs politiques et journalistes attribuaient ces dérapages à “des infiltrés” – mot qui ne signifie pas la même chose selon qui parle. Pour certains journalistes, il s’agit de voyous armés de machettes et bâtons; selon Le Phare, ils “étaient au parfum de ce qui allait se passer à l’Unikin” et les services de renseignements ont failli à leur mission. Pour un parti de la majorité kabiliste, la Nogec, les “infiltrés” sont les opposants de la coalition Lamuka, qui a remporté la présidentielle de décembre 2018 avant d’être évincée du pouvoir par un accord Kabila-Tshisekedi.
Nouvel épisode de la lutte Kabila-Tshisekedi
Plusieurs sources de La Libre Afrique.be évoquent en revanche un épisode de la lutte de moins en moins feutrée que se livrent les alliés officiels, kabilistes et tshisekedistes. Les premiers entendent affirmer leur pouvoir, largement prépondérant au sein de l’alliance; les seconds sont partagés entre la base, qui veut rendre coup pour coup, et les chefs, qui s’efforcent d’ignorer les provocations. Après que le ministre de l’Enseignement supérieur, Thomas Luhaka (majorité kabiliste) eut ordonné aux étudiants de vider les lieux, celui de l’Intérieur, Gilbert Kankonde (tshisekediste) avait abondé dans son sens.
Une partie des politiques a justifié l’expulsion par le besoin de trier les occupants des bâtiments: à côté des étudiants réguliers, y logent en effet de nombreux adultes – civils et militaires – qui sous-louent une chambre ou une cave pour y vivre avec leur famille, voire occupent les espaces verts du campus avec des constructions anarchiques . D’autres soulignent qu’il n’y a pas besoin d’expulser tout le monde pour faire le tri.
Floribert Anzuluni, coordonnateur du mouvement citoyen Filimbi, interrogé par La Libre, estime que « la dégradation de la situation sociale » au Congo « pourrait avoir aggravé la situation », alors que « la division de l’opinion à la suite des dernières « élections » semble avoir également eu un impact », en fournissant l’ »occasion d’exprimer des frustrations gelées ».
Pillages et rançonnement
Quoi qu’il en soit, l’évacuation forcée n’est pas perdue pour tous. Des pillards sont signalés sur le campus, volant les biens des étudiants abandonnés. La Libre a reçu le témoignage d’un travailleur de l’Unikin, brutalisé et menacé de mort par trois policiers jeudi “sous prétexte que je suis un ennemi du ministre car je me rends au travail” malgré la suspension des activités académiques. « Après une longue discussion, ils ont décidé de me dépouiller de tout mon argent et de me laisser partir”.
Les étudiants quittent les lieux.
Après le déguerpissement décidé par le gouvernement, les résidences universitaires se sont vidées en moins de 3 jours. Alors que les populations avoisinant le campus de l’Université de Kinshasa craignent une résurgence de l’insécurité dans le secteur, le calvaire ne fait que commencer pour les étudiants étrangers et ceux venus de l’intérieur du pays, n’ayant aucune assise familiale dans la capitale.
« Je n’ai pas de famille ici à Kinshasa. Sur 100% des filles qui sont restées ici au home, on a au moins entre 65 et 75 qui viennent de l’intérieur du pays », explique Gaëlle Lilanga, elle-même venue de la province de l’Equateur et sans famille à Kinshasa.
Maire générale adjointe du Home 150, où sont généralement logées les étudiantes, elle se demande où « ces filles vont aller » au terme de ce déguerpissement.
D’après Gaëlle Lilanga, « il y a un risque qu’après 4 ou 5 mois, qu’elles deviennent des prostituées car elles ne savent pas comment vivre, comment se nourrir ».
« Je viens du Cameroun. La décision m’a été vraiment très fatale », déplore un étudiant camerounais qui rappelle avoir été accueilli au campus par un « aîné [de même nationalité que lui] qui a malheureusement déjà terminé ses études ».
Et maintenant, précise-t-il, « je me retrouve pratiquement seul ».
« Nous avions choisi le home pour des raisons de sécurité et par rapport aux contraintes financières, dont le coût de la vie ici au Congo », indique .
La suspension des activités à l’UNIKIN ainsi que le déguerpissement des étudiants ont également eu un onde de choc sur cette partie de la ville de Kinshasa. Les différents petits commerces tenus par les familles avoisinant le campus universitaire sont restés fermés.
Un étudiant venu de Kabeya Kamuanga, une localité du Kasai oriental, s’est vu contraint de vendre ses biens pour trouver les moyens de survivre à cette situation.
Après avoir vendu tous ses biens, Bernard Mwanji explique dit avoir « l’impression d’arrêter les études pour retourner au Kasaï ».
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