Réformes électorales en RDC : Le G13 craint un renvoi poli de Mabunda

Dans une sortie médiatique, lundi, le Groupe de 13 personnalités en quête du consensus sur les réformes électorales (G13) a agité la sonnette d’alarme sur ce qui se trame à la Chambre basse du Parlement contre leur initiative de réviser en profondeur la loi électorale.

Pour Delly Sessanga qui a clarifié la position du groupe, il y aurait une ambigüité de langage dans le chef de la présidente de l’Assemblée nationale qui estime que la proposition de loi portant révision de la loi électorale initiée par les députés du G13 ne pourra être examinée au cours de cette session de septembre, puisqu’essentiellement « budgétaire » !  Or, selon le G13, à travers ces consultations, le peuple s’est exprimé librement. En voulant esquiver l’inscription de cette matière au calendrier de cette session, Jeanine Mabunda et sa famille politique, le FCC, veulent-ils, encore fois, défier le peuple ? Quoiqu’il en soit, c’est aux parlementaires en premier lieu de comprendre cette volonté populaire et de la transformer en lois pour assurer réellement la paix et la cohésion nationale en perspective des élections de 2023. Agir autrement et laisser filer cette session parlementaire, serait suicidaire pour la Nation. Le temps est le pire ennemi de tous.

L’initiative du groupe de 13 personnalités en quête du consensus sur les réformes électorales (G13) ne se range dans aucun camp politique, a souligné le député national Delly Sesanga, au cours de la conférence de presse du G13, hier lundi 28 septembre 2020, à Kinshasa.

« C’est une initiative qui est du côté du peuple parce que nous pensons que le peuple qui se levait au mois de juillet dernier pour exiger des réformes électorales n’était ni de FCC, ni de CACH ou de LAMUKA. C’était le peuple congolais qui veut que son droit lui reconnu par la Constitution soit respecté par tous », a martelé l’élu de Luiza, en réaction au langage ambigu de la présidente de l’Assemblée nationale sur la programmation au cours de la session de septembre en cours, de la révision de la loi électorale initiée par les députés du G13, à savoir : Henri-Thomas Lokondo, Claudel-André Lubaya, Charles Makengo Ngombe, Jean-Jacques Mamba, Jean-Marc Mambidi, Juvénal Munubo, Patrick Muyaya, Jacques Ndjoli, lui-même Delly Sesanga ainsi que Christophe Lutundula qui n’est pas membre du G13.

Une langue de bois sournoise

Pour rappel, invitée jeudi 17 septembre de l’émission Top press sur Top Congo FM, la présidente de l’Assemblée nationale n’avait cessé de souligner le fait que l’Assemblée nationale est guidée par des textes qui indiquent que la session de septembre est budgétaire. Une manière polie, croit-on, pour elle d’éviter les initiatives qui vont à l’encontre de sa famille politique, le FCC, du reste déjà acculé par les contestations populaires autour des initiatives des réformes judiciaires, jugées « démocraticides ».

Comme pour se laver les mains, à l’instar de Ponce Pilate devant le Christ et la foule juive, Jeanine Mabunda a rejeté la balle à la conférence des présidents pour décider si les réformes électorales seront abordées ou pas au cours de cette session parlementaire. Encore que pour elle, un choix sera fait sur les différentes initiatives, tous domaines compris. Un langage flou au regard de la sensibilité de la question électorale et de la gestion efficiente du temps pour les prochaines élections.

Pour Delly Sesanga, tout comme Henri-Thomas Lokondo, Jacques Ndjoli, Mme Riche Mania et Patrick Muyaya qui ont tour à tour pris la parole dans cet échange avec la presse, c’est au nom de ce peuple, qu’ils se sont regroupés au-delà de leurs clivages politiques, pour formuler cette proposition de loi.

À cet effet, Delly Sesanga s’est montré tranchant vis-à-vis de Jeanine Mabunda : « Ignorer la question électorale, en disant que c’est une question qui n’a aucun rapport avec les finances de l’État, c’est manquer justement du sens d’État. Parce qu’en réalité, aucune organisation, aucune activité en RDC ne consomme autant des ressources que la question électorale. Qui est-ce qui aurait un budget annuel d’environ 5 milliards de dollars et mobilise à peine 3 ou 4 milliards et dirait qu’une activité qui vaut 1 milliard de dollar est sans incidence sur le processus budgétaire ? », a-t-il interrogé.

Bien au contraire, le G13 estime que c’est parce que la question électorale n’est pas prise en charge dès le début qu’elle devient la source de gabegie financière et de mauvaise gestion. « Et donc Mabunda doit comprendre que puisque justement elle est intéressée par la question financière, elle doit inscrire cette proposition de loi parce qu’elle est une exigence en termes de programmation financière, sinon son collègue président du Sénat, n’aurait pas repris à bon compte notre proposition de créer au niveau du budget de l’État un compte d’affectation spéciale en vue de financer les élections », a souligné Delly Sesanga.

Il est donc clair, selon cet acteur du G13, que le fait d’inscrire une loi à une session parlementaire n’est pas une faveur. « C’est un droit pour tout député qui a déposé une loi. Qu’est-ce qu’on peut nous reprocher : on a dit hier, nous discutons en dehors des institutions. Maintenant nous amenons le débat dans les institutions, on va encore nous éviter ? Je pense que cette question avant que nous la ramenions dans les institutions, elle était déjà dans la rue y compris par le fait de la même majorité, le FCC. Je crois qu’ils ont entendu le message du peuple qui veut que cette question soit abordée pour éviter des crises sur l’avenir », a-t-il indiqué.

Loin des calculs politiciens

Dans la foulée, le G13 dit n’avoir pas abordé la question électorale dans le sens politicien. C’est ce qui fonde l’alerte lancée par Delly Sesanga au nom du groupe : « Nous disons qu’il faut éviter que la crise puisse s’approfondir parce qu’elle sera à la fois un gouffre financier et qu’elle représente un risque pour les générations futures. Personne ne peut calculer le coût de l’instabilité politique, de l’insécurité qui est due à des mauvaises élections ».

Estimant que l’initiative prise peut sauver le pays face à la crise que peut provoquer les élections, le G13 réitère ainsi son ouverture à tous les courants politiques sans exclusion. Et même s’il n’a pas les moyens des contraintes pour obliger les uns et les autres, notamment le FCC qui a hermétiquement fermé ses portes à l’initiative de la recherche du consensus sur les réformes électorales. Néanmoins, les membres du G13 rassurent n’avoir pas fermé les conclusions du rapport de leurs consultations qu’au seul président de la République, Félix Tshisekedi. Des copies ont ainsi été envoyées aussi bien au chef de la majorité, le sénateur à vie Joseph Kabila, qu’aux autres leaders politiques congolais.

Victime d’autant de soupçons et d’agitations dans les rangs de certains, le G13 persiste et signe que sa démarche, pour le moins inédite, est organisée dans un profond élan de citoyenneté. « Lorsque l’on parle des élections, il s’agit d’une question fondamentale et structurante de notre vivre ensemble et notre devenir comme un peuple mature qui s’autogouverne, avec des dirigeants et des institutions qu’il choisit librement en conscience et en qui il se reconnait dans la cohésion et la concorde entre tous », souligne ce groupe qui n’entend pas reculer dans son engagement en vue d’obtenir de bonnes élections.

Consultations du G13 : les points de convergences par axe de réforme

a. Sur la loi organique de la CENI

En général, la configuration actuelle du cadre organique de la CENI est marquée par une surreprésentation politique et un déséquilibre contraire à l’impératif de parité et de neutralité. Elle empêche cette institution de bien jouer son rôle d’arbitre impartial pour garantir l’adhésion du peuple au processus électoral et l’acceptabilité des résultats. À cela s’ajoute le fait que le Président de la CENI a des pouvoirs exorbitants sur la conduite du processus électoral, qui nuisent à la collégialité, élément d’équilibre et d’indépendance de la CENI.

D’où les options qui suivent :

1) Limiter et encadrer l’autorité du Président de la CENI par une meilleure répartition de charges avec les autres membres du Bureau aux fins de faire prévaloir la collégialité ;

2) Maintenir la plénière de la CENI et rendre effectif l’exercice de ses compétences de décision, d’approbation, d’autorisation et de contrôle ;

3) Clarifier les règles et principes d’audit de la CENI et fixer le reporting périodique

4) Créer un organe permanent de contrôle interne de la CENI

5) Formaliser les règles de désignation des membres de la CENI pour toutes les composantes

b. Sur la loi électorale

1) Rendre obligatoire la publication de la cartographie électorale ;

2) Supprimer le seuil électoral et le remplacer par une condition de recevabilité des listes au prorata des sièges en compétition (60 %) ;

3) Généraliser le scrutin majoritaire pour les élections législatives nationales et provinciales à toutes les circonscriptions électorales ;

4) Organiser l’élection des gouverneurs au second degré au sein de l’assemblée provinciale à la suite d’un système de parrainage par les députés provinciaux indiquant au moment du dépôt de leur liste le ticket du candidat- gouverneur et vice-gouverneur pour lequel leurs voix est décompté en cas de leur élection.

5) Organiser l’élection des sénateurs au second degré au sein de l’assemblée provinciale à lasuite d’un système de parrainage par les partis, regroupements et indépendants présent à l’assemblée provinciale dans une quotité de recevabilité définie par la loi. Il ne peut y avoir dans une province plus d’un sénateur issu d’un même territoire, d’une même ville et pas plus de deux dans une même circonscription électorale pour la ville de Kinshasa.

En cas de pluralité d’élus contrevenant à ce principe, il est retenu le mieux élu, en cas d’égalité la femme ou le plus âgé.

6) Intégrer dans la loi électorale, le principe d’inclusivité et la dimension genre conformément à l’article 14 de la Constitution en prévoyant des sanctions ;

7) Interdire le cumul des candidatures à deux scrutins pour les assemblées délibérantes

8) Interdire de porter comme suppléants, sous peine d’annulation de l’élection, des parents en ligne directe ou collatérale, ascendante ou descendante, jusqu’au deuxième degré inclus ;

9) Interdire la distribution d’argent, des biens ayant une valeur pécuniaire ou tout autre avantageainsi que la sollicitation ou l’acceptation d’un don quelconque pendant la campagne électorale ;

10) Distinguer les inéligibilités définitives pour les crimes graves (génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre) des inéligibilités temporaires pour les autres infractions ;

11) Édicter un régime légal exhaustif pour le vote électronique ;

12) Rendre obligatoire la publication des résultats partiels bureau par bureau au niveau du centre de vote et centre par centre au niveau de l’antenne (centre local de compilation des résultats), au fur et à mesure de la réception des données ;

13) Instituer une chaine de traçabilité des résultats des élections par segmentation et numérisation et mettre en place un centre transparent d’agrégation et de centralisation des résultats en vue de leur publication progressive au fil du dépouillement

14) Rendre obligatoire la remise des PV des opérations de vote à tous les témoins et observateurs ainsi qu’à tous les niveaux ;

15) Fixer le principe de publication des résultats bureau par bureau sous peine de sanctioncontre le président de la CENI et ceux qui interviennent dans la transmission et la centralisationdes résultats ;

16) Rendre obligatoire le recomptage des voix dans tout contentieux électoral, partant du pli des résultats réservés à la cour, sans exiger aux parties d’exhiber des PV ;

17) Prévoir un délai fixe de la clôture des contentieux électoraux ;

18) Définir le statut et le rôle de la CENI dans les contentieux des résultats ;

19) Rendre obligatoire l’affichage sur le site de la CENI de tous les résultats bureau par bureau, dans les dix jours qui suivent la tenue des élections, sous peine d’annulation du scrutin.

c. Sur la révision de la Constitution

En rapport avec la Constitution, les parties prenantes consultées ont convenu en raison de la sensibilité de la question de procéder à une révision minimale de la constitution au regard de la question de la légitimité du président de la République et de la nécessité de la tenue effective des élections locales pour un meilleur encadrement de la population à la base.

Concernant l’institution Président de la République, il s’observe que la réforme de 2011 supprimant le second tour de l’élection présidentielle a réduit la base de légitimité du Président de la République et accentué les divisions internes. Toutes les parties prenantes excluent l’élection du président au second degré et préconisent le retour au second tour de l’élection présidentielle.

– Concernant les élections locales, pour appliquer la décentralisation au stade actuel, le pays doit faire face à 11 scrutins pour l’élection de 11.735 élus dont 7.334 conseillers de secteurs et chefferies, 2323 conseillers municipaux, 432 conseillers urbains, 622 bourgmestres et bourgmestres adjoints, 64 maires et maires adjoints, 940 chefs de secteurs chefs de secteurs et chefs de secteurs chefs de secteurs adjoints.

Il faudra aussi installer et viabiliser 734 conseils locaux, 311conseils municipaux, 32 conseils urbains, 145 conseils territoriaux. Toutes les parties prenantes ont considéré que ce périmètre de la décentralisation est une spécificité illusoire, incompatible avec les ressources nationales pour leur organisation et leur fonctionnement.

C’est pourquoi les parties prenantes ont convergé sur la nécessité de procéder à la révision decertains articles de la constitution à l’exclusion des matières de l’article 220 et dans le respect de celui-ci comme suit :

1) Revenir à l’élection du Président de la République au suffrage universel direct à deux tours ;

2) Rationnaliser la décentralisation en érigeant seuls les Villes, Communes et Territoires en entités territoriales décentralisées en vue d’organiser les élections locales et urbaines.

d. Sur la question du financement des élections

L’expérience de trois cycles électoraux passés (2006, 2011 et 2018) prouve qu’il y a toujours des doutes sur le coût réel des élections en République Démocratique du Congo et que ce coût est généralement excessif pour cinq raisons principales, à savoir :

a) La répétition de certaines opérations dont l’enrôlement des électeurs par le déficit de maintien du fichier électoral

b) Le manque d’entretien de certains matériels comme les équipements informatiques, véhicules et autres moyens de transport, etc.

c) Le non-respect des règles et de procédures de passation des marchés publics

d) La relance trop tardive du processus électoral

e) Le manque d’une prise en charge financière rationnelle de la CENI, y compris pour asseoir et entretenir une administration permanente. C’est pourquoi les parties prenantes ont suggéré ce qui suit :

1) Inscrire le financement des élections en ordre de priorité dès l’adoption de la loi des finances

2021, en tenant compte d’un secteur majeur qu’est celui de la sécurisation du processus électoral ;

2) Créer, par une loi des finances, un compte d’affectation spéciale « financement des élections », devant recevoir les quotités annuelles du plan de financement pluriannuel de la CENI, le solde du compte spécial devant être reporté automatiquement sur l’année suivante. Ce compte devra être rattaché à une ou des recettes permanentes précises ;

3) Limiter les débours sur ce compte aux dépenses d’investissement de la CENI directement liées à l’organisation des scrutins ;

4) Rendre obligatoire la publication des états financiers de la CENI.

e. Sur la question du recensement

Il est à noter que l’organisation du recensement administratif dont le coût s’élève à près de 300 millions de dollars américains selon l’ONIP permettrait de minimiser le coût des opérations électorales dont le seul enrôlement couterait 600 millions de dollars américains selon les prévisions de la CENI.

Après la consultation de tous les experts techniques intervenant sur cette problématique, un consensus s’est dégagé sur la nécessité de :

1) Séparer la problématique du recensement général de la population et de l’habitat de la question des élections de 2023 pour éviter d’en faire une condition pour l’organisation des élections, avec le risque de glissement du calendrier ;

2) Soutenir et appuyer l’ONIP dans l’organisation du recensement administratif pour lequel certaines options politiques majeures doivent rapidement être levées ;

3) Mettre en place un cadre de mutualisation des ressources et des compétences CENI-ONIPpermettant de combiner l’identification des citoyens et l’extraction du fichier électoral.

Au regard de tout ce qui précède et considérant l’impératif constitutionnel de tenir les élections en 2023, il y a lieu de relever que le pays s’expose à un grand danger si ces élections venaient à être repoussées ou organisées dans les mêmes conditions que celles de 2006, 2011 et 2018.

Chaque jour qui passe sans réformes consensuelles c’est du temps perdu. Il convient par une action institutionnelle anticipative et cohérente de prévenir une crise plus sévère liée au processus électoral. Il s’avère donc nécessaire de mettre à profit la session parlementaire de septembre 2020 pour engager les réformes électorales. Le groupe de 13 personnalités, signataires de l’appel du 11 juillet demeure convaincu qu’en réglant les questions clivantes liées au processus électoral, le Président de la République et son Gouvernement pourront dans la sérénité se consacrer aux défis de la paix et du développement du pays. C’est dans cette perspective que le G13 propose une feuille de route indicative pour mettre en profit les 1201jours qui nous séparent du 15 Septembre 2020 au 30 Décembre 2023

La production de cette feuille de route est un résultat d’étape dans la marche vers les réformes et la garantie de la paix, la concorde et la cohésion nationales avant, pendant et après les élections.

C’est maintenant à la classe politique, aux parlementaires en premier lieu de comprendre cette volonté populaire et de la transformer en lois suivant les matières pour assurer réellement la paix et la cohésion nationale en perspective des élections de 2023.


Le Potentiel /provinces26rdc.net

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