Au quatrième jour des hostilités, la question est sur toutes les lèvres : comment les forces israéliennes ont-elles pu se laisser dépasser par l’offensive surprise du Hamas ? La branche armée du mouvement islamiste palestinien a lancé, samedi 7 octobre depuis Gaza, un coup de force sans précédent, baptisé « déluge d’Al-Aqsa », combinant tirs de roquettes, infiltrations terrestres et assaut maritime. En quelques minutes, le système de sécurité israélien a été submergé, et Tsahal est toujours en train de reprendre le contrôle de la frontière avec le mince territoire côtier ce mardi. Les violences ont déjà fait plus de 900 morts côté israélien et 687 côté palestinien.
Les combattants du Hamas sont parvenus à franchir tôt samedi matin le mur de 65 kilomètres qui longe l’enclave palestinienne, en perforant cette ligne pourtant placée sous haute sécurité, conçue comme infranchissable par Tel-Aviv qui y a investi un milliard de dollars. Surnommé le « mur de fer », il est appuyé sur un système de surveillance rôdé comprenant radars et caméras, une paroi de six mètres de haut ou encore des capteurs permettant de repérer la construction de tunnels…
Les forces armées prises de court
Un arsenal imposant qui n’a pas empêché des hommes armés d’aveugler les tours de contrôle du mur avec des frappes, avant de s’attaquer à la séparation à coups de bulldozers et d’explosifs, se ménageant des brèches. Des commandos à pied puis à moto et en voiture se sont engouffrés en quelques minutes à travers les barbelés. Ils sont parvenus à franchir le check-point réputé inviolable d’Erez, au nord de la frontière, puis à mettre la main sur des bases militaires et s’attaquer aux localités alentours, prenant les civils pour cible.
Face à cette offensive surprise, l’armée israélienne a tardé à rallier la frontière pour endiguer les infiltrations. Pour cause, les troupes étaient majoritairement stationnées en Cisjordanie occupée pour y protéger les colonies, des communautés israéliennes illégales au regard du droit international. « Il y avait un besoin de soldats en Cisjordanie, donc où sont-ils allés les prendre ? À la frontière avec Gaza, où ils pensaient que c’était calme », a résumé un ancien chef des renseignements israéliens, Aharon Ze’evi-Farkash, dans les colonnes du Washington Post. Selon le journal américain, « il a fallu dix heures pour que les premières troupes arrivent dans les localités envahies » par la branche armée du Hamas.
À noter aussi que les combattants islamistes n’avaient pas choisi cette date par hasard : l’offensive a été lancée au dernier jour des fêtes juives de Souccot en Israël. Le pays tournait au ralenti, et son armée aussi. « Les religieux orthodoxes ont obtenu qu’il y ait 50% des militaires en permission en ce jour de fête. La norme, c’est 10% », a expliqué mardi sur LCI le colonel Michel Goya, consultant militaire de la chaîne, selon qui « jamais le dispositif militaire israélien n’a été aussi faible qu’à ce moment-là ».
Une menace sous-évaluée ?
Après cette débâcle inédite, les services de renseignement sont pointés du doigt. Invité sur LCI ce mardi matin, l’ancien ambassadeur d’Israël en France, Avi Pazner, a aussi déploré une « défaillance » des services de sécurité, appelant à « enquêter » sur ces coûteuses lacunes une fois la guerre achevée. « Il va falloir savoir ce qu’il s’est passé : comment a-t-on pu être pris par surprise, nous, l’armée la plus forte du Moyen-Orient, dotée des meilleurs services de renseignement qu’il y ait ? », a-t-il lancé.
De premières investigations soulignent déjà que l’État hébreu aurait sous-estimé la menace d’une attaque. Un sommet crucial semble notamment être passé sous les radars de Tel-Aviv : une rencontre au Liban entre le leader du Hamas Saleh al-Arouri, celui du Djihad islamique Ziyad al-Nakhalah et enfin celui du Hezbollah Hassan Nasrallah, en mai 2023. L’offensive aurait été préparée « dans une chambre d’opérations militaire conjointe à Beyrouth entre le Hezbollah, le Hamas et les Iraniens pendant plusieurs mois », avance L’Orient-le-Jour. Un exercice militaire aurait même été lancé par le Hezbollah en mai 2023, pour détourner l’attention d’Israël vers le front nord pour mieux le surprendre ensuite par le sud, selon le journal libanais.
Des alertes lancées par des voisins n’auraient pas non plus été prises au sérieux. « Nous les avons prévenus qu’une explosion de la situation allait arriver (à Gaza), et très rapidement, et que ce serait quelque chose de gros. Mais ils ont sous-estimé nos avertissements », a glissé une source au sein du renseignement égyptien à l’agence de presse AP, une information rapidement démentie par le gouvernement israélien.
Les espoirs déçus de voir le Hamas « changer »
Quelques officiels semblent tout de même reconnaître un échec de l’appareil de sécurité de l’État hébreu. L’offensive « nous a pris par surprise », a admis sur LCI dès samedi soir l’actuel ambassadeur d’Israël en France, Raphaël Morav, évoquant lui aussi une « défaillance des renseignements ». Des dysfonctionnements liés selon lui à la difficulté d’anticiper les « moyens peu sophistiqués » utilisés par le groupe palestinien et les opérations en cours dans « chaque atelier ».
« Malheureusement, on était peut-être sous l’illusion que le Hamas voulait enfin changer, devenir une entité un peu plus crédible et responsable, mais leur nature n’a pas changé, elle est toujours de vouloir anéantir Israël », a aussi avancé le diplomate. Il n’est pas le seul à estimer qu’Israël se serait laissé piéger par ses espoirs de voir le groupe islamiste évoluer. Depuis 2021, Tel-Aviv a en effet misé sur des incitations économiques, comme des permis de travail pour les Gazaouis, pour maintenir le calme avec le Hamas, qui contrôle le territoire côtier depuis 2007. Un pari visiblement raté : « Nous avons commis une erreur monumentale, y compris moi-même, en croyant qu’une organisation terroriste pouvait modifier son ADN », a affirmé le général à la retraite Yaakov Amidror, conseiller à la sécurité nationale d’Israël de 2011 à 2013, cité par l’AFP.
Désormais, Tsahal a changé radicalement de ton. Elle affirme avoir découvert les corps de 1500 hommes du Hamas dans des villes du sud reprises par l’armée lors de combats acharnés près de la bande de Gaza. L’armée a aussi lancé une riposte d’ampleur et bombarde l’enclave palestinienne. Le ministre de la Défense israélien a annoncé lundi l’imposition d’un « siège complet » de la zone. Samedi, il avait déjà promis que « ce qui existait avant ne sera plus » sur ce territoire. De son côté, l’ONU a rappelé qu’un siège total de Gaza était « interdit » par le droit international humanitaire.
TFI Info / Provinces26rdc.com
Laisser un commentaire