Conférence de Munich : le discours à charge du vice-président américain vis-à-vis des alliés européens

La liberté d’expression « recule » notamment en Europe, a déclaré vendredi le vice-président américain J.D. Vance lors d’un discours à charge vis-à-vis des alliés européens ouvrant la Conférence de Munich sur la sécurité.

Très attendu sur l’initiative de Donald Trump vis-à-vis du conflit en Ukraine, le vice-président américain a à peine effleuré le sujet, surprenant son auditoire en consacrant l’essentiel de son allocution à critiquer les pays européens sur le « recul » de la « liberté d’expression ».

Le bras droit de Donald Trump a surpris son auditoire, composé de responsables politiques, de diplomates ou de hauts gradés, en minimisant le risque d’ingérence politique de la Russie en Europe. Il a au contraire opté pour un ton agressif à l’adresse des dirigeants européens, leur reprochant d’avoir peur de leurs propres peuples.

J.D. Vance a affirmé que l’administration de Donald Trump « se battra » pour « défendre » la liberté d’expression, résumant ainsi son « offre » : « À Washington, il y a un nouveau shérif en ville ». Plus que « la Russie », « la Chine » ou « un autre acteur externe », a-t-il dit, « ce qui m’inquiète, c’est la menace de l’intérieur, le recul de l’Europe par rapport à certaines de ses valeurs les plus fondamentales, valeurs partagées avec les États-Unis d’Amérique ».

La menace qui me préoccupe le plus par rapport à l’Europe, c’est une menace qui ne vient pas de la Russie, ni de la Chine. Ni d’aucun autre acteur extérieur. Ce qui m’inquiète, c’est la menace qui vient de l’intérieur de l’Europe : le recul de certaines de ses valeurs les plus fondamentales, des valeurs qu’elle partage avec les États-Unis. Au Royaume-Uni et dans l’ensemble de l’Europe, la liberté d’expression est en recul. Et je crois profondément qu’il n’y a pas de sécurité possible si vous craignez les voix, les opinions et les positions exprimées par votre propre peuple. Rejeter les gens, ignorer leurs préoccupations ou, pire encore, fermer les médias, annuler des élections ou exclure les citoyens du processus politique ne protège rien. Absolument rien. En réalité, c’est le moyen le plus sûr de détruire la démocratie. Et croyez-moi, je le dis avec humour : si la démocratie américaine a pu survivre à dix ans de grondements de Greta Thunberg, vous pouvez survivre à quelques mois d’Elon Musk.

Controverse entre Vance et Berlin autour de l’extrême droite

« La démocratie s’appuie sur le principe sacré selon lequel la voix du peuple compte. Il n’y a pas de place pour les pare-feu », a affirméJ.D. Vance. « Ce à quoi la démocratie allemande, ce à quoi aucune démocratie, qu’elle soit américaine, allemande ou européenne, ne peut survivre, c’est de dire à des millions d’électeurs que leurs pensées et leurs préoccupations (…) ne méritent même pas d’être prises en considération », a-t-il ajouté. « La démocratie repose sur le principe sacré qui veut que la voix du peuple compte », a encore dit le vice-président américain.

Cet appel a été vécu à Berlin comme une nouvelle ingérence de l’administration de Donald Trump dans la campagne en vue des élections législatives allemandes du 23 février, après les soutiens répétés apportés par le milliardaire Elon Musk à l’AfD.

Les critiques formulées par J.D. Vance ne sont « pas acceptables », a répliqué le ministre allemand de la Défense. « Si je l’ai bien compris, il compare des situations dans certaines parties de l’Europe à celles des régions autoritaires. (…) Cela n’est pas acceptable », a dit Boris Pistorius.

Vance critique l’annulation de la présidentielle en Roumanie

J.D. Vance a également évoqué le cas de la Roumanie, où le premier tour de la présidentielle a été annulé par la Cour constitutionnelle. Le candidat d’extrême droite Calin Georgescu était arrivé contre toute attente en tête du scrutin avec plus de 20% des voix, en faisant campagne principalement sur la plateforme chinoise TikTok. La décision d’annuler cette élection s’est faite « sur la base des faibles soupçons d’une agence de renseignement », a estimé JD Vance, dénonçant « une énorme pression (sur la Roumanie) de ses voisins continentaux ».

Si « votre démocratie peut être détruite avec quelques centaines de milliers de dollars de publicité numérique d’un pays étranger, alors elle n’était pas très forte », a-t-il dit à destination de ses « amis européens ».

Dans son discours, le vice-président américain a aussi visé les « très chers amis » du Royaume-Uni, où « la régression des droits de conscience » s’attaque selon lui aux « libertés fondamentales des Britanniques religieux ». J.D. Vance, qui met en avant sa foi chrétienne, s’est prononcé contre des exceptions aux interdictions, même en cas de viol ou d’inceste.

« Autoriser nos citoyens à exprimer leur opinion » rendra les démocraties « encore plus fortes », a-t-il dit, reprochant aux organisateurs d’avoir interdit d’accès à la Conférence de Munich des élus de « partis populistes ».

Sous la direction du « shérif » Donald Trump, « nous pourrons être en désaccord avec vos opinions, mais nous nous battrons pour défendre votre droit de les exprimer dans l’espace public, que vous soyez d’accord ou non », a-t-il encore dit.

Vance appelle l’Europe à « changer de cap » face à l’immigration

Le vice-président américain a appelé vendredi les Européens à « changer de cap » face à l’immigration, au lendemain de l’attaque à la voiture-bélier à Munich dont le suspect est un Afghan demandeur d’asile.

Citant l’exemple de cette attaque, J.D. Vance a lancé : « Combien de fois devons-nous subir ces revers épouvantables avant de changer de cap (…) ? Aucun électeur sur ce continent n’est allé aux urnes pour ouvrir les vannes à des millions d’immigrants non contrôlés ». Les « migrations de masse » sont le problème « le plus urgent » auquel tous les pays sont confrontés, a-t-il ajouté.

Quelques heures après ce discours de J.D. Vance, le président Donald Trump, interrogé par les journalistes à la Maison Blanche, lui a emboîté le pas, s’inquiétant de voir l’Europe « en train de perdre son merveilleux droit à la liberté d’expression ». « L’Europe a un gros problème d’immigration », a-t-il ajouté.

J’ai entendu son discours et il a parlé de liberté d’expression. Et je pense que c’est vrai qu’en Europe, ils perdent leur merveilleux droit à la liberté d’expression. Je le vois bien. J’ai pensé que c’était un très bon discours, un discours brillant. L’Europe doit faire attention. Et il a parlé d’immigration. Et l’Europe a un gros problème d’immigration. Regardez ce qu’il se passe avec la criminalité. Regardez ce qu’il se passe à différents endroits d’Europe. Je crois que ce discours a été bien reçu, en fait. J’ai entendu de très bonnes réactions.

Trump/Ukraine : les Européens tentent de revenir dans le jeu

Ils le répètent : rien ne pourra se faire sans eux. Pas de paix en Ukraine, sans l’implication de l’Europe. La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a profité de la tribune de Munich pour lancer un avertissement aux États-Unis.

« Le président Poutine a déclaré qu’il était prêt à rencontrer les dirigeants ukrainiens, mais à quelles conditions ? Il lui appartient de montrer qu’il a renoncé à son ambition de détruire l’Ukraine. Et je vais à être très clair : affaiblir l’Ukraine affaiblirait l’Europe, mais aussi les États-Unis. »

Le premier concerné a rappelé ses lignes rouges. Volodymyr Zelensky participait à une table ronde à Munich. Il a expliqué avoir discuté des négociations de paix avec Donald Trump en rappelant qu’il ne fallait pas offrir une simple pause à Vladimir Poutine.

« J’ai dit oui au président Trump, mais je pense que les appels téléphoniques restent des appels téléphoniques. Oublions ça. Je pense que ce qui est très important, ce sont les vraies rencontres. Ne prendre aucune décision sur l’Ukraine sans l’Ukraine. C’est une position de principe sur laquelle nous ne reculerons. Nous ne devons pas offrir à Poutine une pause. Sans de véritables garanties de sécurité, nous lui donnerons une pause. Et je ne veux pas rester dans l’histoire comme celui qui aura aidé Poutine à occuper mon pays. Je ne veux pas ça. Et c’est pourquoi je ne le ferai jamais. Et c’est très important pour moi de faire pression sur Poutine pour qu’il impose toutes les sanctions. Je pense que le président Trump est prêt à le faire, il a tout le pouvoir pour le faire. C’est pourquoi je veux vraiment venir à Washington n’importe quand. Car je pense que nous devons absolument élaborer un plan commun », a déclaré Volodymyr Zelensky. Le président ukrainien a également rencontré le vice-président américain J.D. Vance qui a assuré auprès de Zelensky vouloir une « paix durable » en Ukraine.

Emmanuel Macron a aussi haussé le ton. Dans le Financial Times, le président français met en garde contre une paix qui serait une capitulation.

Les Européens tentent de relever la tête, mais sans de véritable alternative concrète au plan de Donald Trump.


RFI / Provinces26rdc.com

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