Le sénat congolais est saisi ce mardi du projet de budget pour 2020, déjà adopté en première lecture par l’Assemblée nationale à Kinshasa. La caractéristique de ce budget est que, sur insistance du chef de l’Etat, il prévoit un …doublement des recettes et des dépenses.
Il est en effet fixé à 10,2 milliards de dollars alors que les recettes du Congo en 2019 sont évaluées à 5,5 milliards de dollars et les experts ne pensent pas qu’elles puissent dépasser 6,32 milliards de dollars en 2020.
Le représentant du FMI à Kinshasa, Philippe Egoumé, avait d’ailleurs jugé, la semaine dernière, “irréaliste” le budget proposé. D’autant qu’au début du mois, la mine de cuivre et de cobalt Mutanda Mining, une filiale de Glencore dans le Lualaba, a cessé ses activités pour deux ans. Ce sont 626 millions de dollars/an qui ne parviendront donc plus dans les caisses de l’Etat. En outre, la croissance de 4,5% en 2019 devrait baisser à 3,2% en 2020. Comment, dans ces conditions, doubler les recettes?
Si le budget proposé était adopté, cela contraindrait le gouvernement à couvrir un trou de 4 à 5 milliards de dollars, donc à emprunter.
Le FMI a réclamé la transparence
Joseph Kabila avait coupé les relations entre le Congo et le FMI en 2012, quand l’institution monétaire internationale avait demandé à Kinshasa de rendre publics d’importants contrats miniers, ce que le régime avait refusé, entraînant la suspension du prêt accordé.
Lundi prochain, le Programme de réference pour le Congo sera présenté au conseil d’administration du FMI, qui devra décider, ou non, d’octroyer à Kinshasa un crédit de 370 millions de dollars pour renflouer la Banque centrale du Congo (BCC). Ses réserves de change ont, en effet, diminué de moitié depuis la fin 2018 – soit sous la présidence Tshisekedi – et ne représentent plus désormais qu’”environ une semaine d’importations”, selon Philippe Egoumé.
Le FMI avait décidé de ne prêter d’argent au Congo que si Kinshasa mettait en oeuvre des réformes pour la transparence et contre la corruption. On n’en est encore qu’à l’annonce de bonnes intentions dans ce domaine, Félix Tshisekedi ayant évoqué en septembre à Bruxelles la création future d’une agence anti-corruption “dans la logique des Incorruptibles” du FBI américain.
Pas de contrôle
Dans les faits, si un proche collaborateur du président Tshisekedi vient d’être arrêté sur soupçons de corruption, on s’interroge toujours sur l’évaporation de 15 millions de dollars à la Présidence; le chef de l’Etat n’avait pas rassuré en expliquant à ce sujet que “les rétrocommissions d’une affaire, bien qu’illégales sous d’autres cieux, (sont) légales au Congo”.
Et si les membres du gouvernement sont tenus, à leur entrée en fonction, de déposer le relevé de leur patrimoine familial à la Haute Cour, jamais cette liste n’a été comparée aux richesses possédées par les ministres lorsqu’ils quittent leurs fonctions, que ce soit sous Kabila ou, en août dernier, sous Tshisekedi.
Tshisekedi est l’obligé de Kabila
Les capitales amies du Congo ne cachent pas leur volonté d’appuyer M. Tshisekedi dans son désir de réforme. Mais celui-ci demeure extrêmement dépendant de Joseph Kabila, qui lui a permis d’accéder au pouvoir. Comme s’il voulait le rappeler à son obligé, le “Président honoraire” n’a pas rappelé à l’ordre les troupes kabilistes qui ont, depuis quelques semaines, relancé un climat électoraliste en vue des scrutins de 2023 moins d’un an après la dernière présidentielle. Le secrétaire permanent du PPRD, Emmanuel Ramazani Shadary, n’a pas hésité à tonner devant ses troupes, en octobre dernier, que “Kabila est le propriétaire de l’Etat”.
Le prêt envisagé par le FMI n’est pas nécessairement d’un montant important. Mais il est essentiel parce qu’une fois décidé, il ouvre la voie à des prêts – souvent plus importants – de la Banque mondiale, de la Banque africaine de développement ou d’Etats bailleurs de fonds.
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